Abstract
L’auteur de cet article, James Ranaivoson, est consultant en financement de la protection de l’environnement pour le bénéfice d’entreprises en Afrique sub-saharienne. Il est aussi administrateur de la Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité de Madagascar (FAPBM).
Il a été pendant 10 ans en charge des investissements de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) dans des fonds de capital-risque ou des montages financiers pour le bénéfice de projets de protection du capital naturel. Avant cela, il a été pendant 15 ans directeur ou directeur-adjoint de la trésorerie de trois banques multilatérales, la BEI, la BID et la BAD. Il a travaillé auparavant 10 ans à Paris dans des institutions financières de premier plan.
James Ranaivoson est diplômé en gestion de l’environnement, en finance, en économie et en mathématiques. Il apporte ici sa contribution à la question que pose Diapason : « Comment répondre au triple défi de lutte contre le réchauffement climatique, de préservation de l’environnement et de développement d’une économie et d’une agriculture résiliente ? »
L’environnement à Madagascar est un sujet crucial. Agir pour sa préservation est essentiel pour protéger sa biodiversité unique, maintenir les équilibres écologiques, lutter contre la dégradation environnemental et favoriser un développement durable.
Cet article a pour ambition de sensibiliser puis de mobiliser sur 4 thèmes tout en suggérant des actions à entreprendre en urgence puis sur le moyen-long terme :
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- le rôle central de la bonne santé du capital naturel (i.e., des ressources naturelles et des flux écosystémiques qu’elles génèrent) dans la survie et l’épanouissement du capital humain (les hommes) et dans le développement durable du capital économique (i.e., équité et pérennité).
- la nécessité d’instaurer des aires protégées (accès règlementé voire interdit pour les hommes) à Madagascar, pays doté d’un capital naturel exceptionnel, fortement détérioré aujourd’hui plus qu’hier et peut-être moins que demain si rien de concret n’est fait correctement.
- l’accompagnement de la protection du capital naturel par un secteur sain de l’agribusiness (agriculture, élevage, pêche, industries agroalimentaires), en respectant d’abord la dignité humaine des petits producteurs et leur intégration raisonnée dans les chaînes de valeurs.
- l’appel implicite aux autorités politiques, aux élites administratives et aux élites du business de n’œuvrer que pour l’intérêt général : (i) priorité à la fin de la misère des plus pauvres et stopper la dégradation des conditions de vie des classes moyennes ; (ii) une gouvernance transparente sans corruption et favoritisme avec une éthique irréprochable ; (iii) des décisions équitables surpassant les envies de maximisation d’intérêts politiques, personnels et de profits.
- Madagascar est un pays d’exception pour sa dotation en ressources naturelles : des contrastes géomorphologiques recélant une diversité économique et culturelle ; de l’eau douce en abondance à moindre coût dans plus de 2/3 du pays ; des forêts diverses, humides et sèches, enfermant une riche biodiversité souvent endémique, et des grands puits de carbone ; une vaste étendue maritime tropicale, qui, combinée avec une côte de plusieurs milliers de kms et 2% des mangroves du monde, forment les habitats de milliers d’espèces de faune et de flore marines.
- Les aires protégées, terrestres et marines, qui font partie du domaine de l’Etat, couvrent aujourd’hui 12% des terres et de la zone de souveraineté maritime. Les plus connues sont la quarantaine de parcs nationaux visités par les touristes locaux et internationaux mais il y a une soixantaine d’aires où cohabitent des ressources naturelles critiques à protéger et des populations, souvent pauvres, qui en dépendent. Analysé de façon macro-économique, le ratio « Bénéfices/Coûts » du système des aires malgaches est de 75x. Mais prises une par une, chaque aire dont l’accès est règlementé, prive la population et les entreprises de sources de revenus et/ou d’opportunités qu’il faudrait que l’Etat et d’autres parties prenantes privées compensent.
- Même si au total « il ne faudrait qu’entre » 60-100 millions USD par an pour gérer ces aires, l’Etat malgache n’a pas de budget pour et tout repose sur les dons provenant des PTFs et des ONGs internationales de conservation. Ces dons sont insuffisants et le gap est amené à croître avec une population qui, s’appauvrissant, se sert toujours dans la nature. Pour différentes raisons relevant d’une administration tatillonne, les grandes entreprises et fondations internationales sincères dans leurs intentions ne sont plus attirées. Les entreprises malgaches, pourtant grosses utilisatrices ou impactantes sur les ressources naturelles, ne contribuent en rien.
- La Fondation pour les Aires Protégées (FAPBM), créée en 2005, qui est une structure de type « Conservation Trust Fund » de droit privé malgache et dont la dotation en capital est assurée en continu par les aides publiques allemande et française, ainsi que par la Banque Mondiale et les ONGs WWF et Conservation International, est devenue aujourd’hui le co-financier incontournable de l’ensemble du système des aires protégées de Madagascar. Ce support financier continu est le fruit d’une confiance des bailleurs sur le sérieux et l’engagement de la FAPBM dans le suivi du financement de chaque aire qu’elle co-finance avec tous les PTFs et toutes les ONGs et associations internationales de conservation intéressées par Madagascar.
- La seule existence d’aires protégées n’est pas une condition suffisante pour arrêter la dégradation du capital naturel d’un pays, surtout à Madagascar. D’autant plus que la gestion de ces aires se concentre sur la « conservation de ce qui reste » et sur la « restauration de ce qui est abîmé » si cela est possible. Même si elles ne sont pas oubliées, les dimensions sociales et économiques sont plutôt secondaires, ceci expliquant donc cela.
- Il y a au moins 80% du pays, habités par une densité +/- importante de population, dont les ressources naturelles devraient être protégées avec la même détermination que dans les aires protégées, mais où il faut en même temps offrir à la fois des kits de survie pour certains, et des catalyseurs de création de richesse pour d’autres. Tous ces endroits doivent être gérés selon des « Solutions Basées sur la Nature (NBS) » mises en place dans des cadres d’« Approche Paysage » (qui n’est autre qu’une politique d’aménagement de territoires où la gestion de la nature a une place prépondérante aux côtés de la mise en place d’infrastructures « grises »).
- Les propositions portent sur la recherche de la trajectoire du développement durable que Madagascar est encore loin d’en atteindre le point de départ, pour dire ! Ces propositions tournent autour du secteur de l’agribusiness. On s’aperçoit vite que les solutions concrètes sont complexes à élaborer et il ne suffit pas de claquements des doigts pour cela, d’où l’analogie avec le placement de « petites pièces d’un grand puzzle ». On aborde ainsi 3 petites pièces de ce secteur :
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- Le développement durable à Madagascar se fera avec un secteur primaire (agriculture, pêche, élevage) combiné avec l’agro-industrie qui soit capable de nourrir la population Malagasy, ou bien il ne se fera pas ; un capital naturel solide est le début de la chaîne de valeurs de ce secteur appelé « agribusiness » ; on aborde en particulier la nécessité de « structurer » les petits producteurs pour qu’ils s’intègrent à la chaîne de valeurs ;
- Le développement durable ne se fera pas non plus sans une gestion optimale du capital social, en particulier des populations pauvres rurales, côtières et en périphéries urbaines dépendant directement de ressources naturelles à protéger ; on y aborde les mesures pour rendre la dignité humaine aux miséreux, l’accès à la propriété terrienne, l’accès durable aux ressources marines, l’accès à une nutrition et un revenu minimum, l’accès à des abris sains, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, l’accès facile à des centres de santé et d’éducation de base ; on y soulève enfin la priorisation de l’égalité des droits hommes-femmes ;
- Enfin, le développement durable ne se fera pas si on ne met pas en place des approches dites « climate-smart » : ce sont des mesures d’atténuation, d’adaptation et de résilience aux chocs externes (impacts du changement climatique, catastrophes naturelles) combinées avec la fourniture d’outils d’amélioration de la productivité (exemples : techniques culturales et de pêche, mécanisation, digitalisation, inclusion financière, formation en gestion et entreprenariat).
- En conclusion, l’article présente des directions d’approfondissement et de critique pouvant résulter sur des articles de recherches scientifiques, sociologiques et économiques, mais aussi sur des publications de vulgarisation sur les actions à prendre sur le sujet de la protection du capital naturel en lien avec le développement durable. L’article se termine en présentant le modèle unique de l’entreprise sociale SAHANALA, une des rares entreprises du pays (mais probablement aussi au monde) où le développement durable a une patrie.
PLAN
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PREAMBULE
INTRODUCTION ET DIAGNOSTIC
- Introduction personnelle
- Madagascar : un pays doté d’un capital naturel exceptionnel
- Capital naturel, raison d’être et rôle des Aires Protégées (APs)
- Les APs à Madagascar
- Analyse économique des APs – Cas de Madagascar
PROPOSITION
- Comment financer la gestion des APs/AMPs à Madagascar ? La FAPBM
- Aires Protégées, Solutions basées sur la Nature (NBS), Approche Paysage
- Actions prioritaires à entreprendre pour le développement durable à Madagascar
- Combiner gestion des ressources naturelles et développement durable à Madagascar
CONCLUSION
- Conclusions et Annexes
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Environnement et développement durable
James Ranaivoson – 2023
Lire l’article en PDF : Capital Naturel, aires protégées et développement durable a Madagascar
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