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Les îles Éparses, ou comment bien achever la décolonisation

Abstract

Les îles Éparses sont cinq petits morceaux de terre, concentrés pour la plupart dans le canal du Mozambique, au large de Madagascar. Elles sont inhabitées, à l’exception de quelques militaires et scientifiques qui côtoient l’écosystème. Ce sanctuaire avec sa biodiversité exceptionnelle, cache un enjeu stratégique qui dure depuis plus de cinquante ans entre la France, qui les administre depuis plus d’un siècle et, Madagascar qui les revendique.

 

–§–

 

Article écrit

par Johary Ravaloson (1)

 

Les îles Éparses autour de Madagascar ou Nosy Malagasy (Juan de Nova ou Kely, Europa ou Ampela, les Glorieuses ou Sambatra, Bassas da India ou Bedimaky et Tromelin ou Loza), sont des formations coralliennes, éloignées les unes des autres, formant ensemble à peine 43 km². Sans habitation permanente, reconnues pour leur biodiversité et leur beauté, elles fournissent à la France la base de Zones économiques exclusives maritimes (ZEE) de 640 400 km², riches en ressources halieutiques et avec des potentiels en hydrocarbures. Depuis la décolonisation, elles sont source de tensions récurrentes entre la France et Madagascar, également entre la France et Maurice en ce qui concerne l’atoll de Tromelin, et entre la France et les Comores en ce qui concerne l’archipel des Glorieuses (et l’île de Mayotte).

À la recherche d’une perspective décoloniale dans ces contestations territoriales, on découvrira juste derrière les improvisations, malgré des péripéties que l’on peut trouver parfois héroïques, le classique rapport de force au détriment du droit et de la sécurité ainsi qu’un aveuglement partagé face aux changements du monde.

Du côté français, le lien organique de ces îles à Madagascar consacré juridiquement par la Loi d’annexion du 6 août 1896, qui déclarait dans un article unique « colonie française l’île de Madagascar avec les îles qui en dépendent », a été rompu par le Décret du 1er avril 1960 qui les en détachait. Ces îles présentaient un grand intérêt stratégique pour le Général De Gaulle, notamment pour garder un œil sur l’autoroute des hydrocarbures qu’est le canal du Mozambique, mais également pour des essais atomiques français éventuels. Sans respect aucun du parallélisme des formes, le Décret – établi en ayant vu une prise de possession de terre sans maître au nom de la France en 1892 pour les Glorieuses et en 1897 pour Juan de Nova, Europa et Bassas da India ; sans visa pour Tromelin – maintenait les îles Éparses hors sujet des accords franco-malgaches signés le 2 avril 1960 menant à l’indépendance.

Dénonçant les accords de 1960, Madagascar conteste le détachement de ces îles de son territoire et en revendique la souveraineté le 23 janvier 1973. Selon son gouvernement, « l’archipel des Glorieuses et les îles Juan de Nova, Europa et Bassas da India, constituent des dépendances naturelles de Madagascar et il n’a jamais été contesté qu’au moins l’île Juan de Nova était habitée huit mois sur douze par des pêcheurs malgaches ». Il s’appuie sur la proximité géographique et surtout sur l’intangibilité territoriale en droit international : « la nécessité de respecter scrupuleusement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un territoire colonial au moment de son accession à l’indépendance ».

En 1978, la délimitation française de zones économiques exclusives de 200 milles autour de ces îles a fait l’objet de protestations du Gouvernement malgache transmises au Gouvernement français. Une commission mixte des deux pays a été réunie en mars 1979 mais sans suite. La prétention malgache a été cependant confortée par la Résolution 34/91 de l’Assemblée générale des Nations-Unies du 12 décembre 1979 qui déclare que ces îles sont malgaches et enjoint « le gouvernement français d’entamer sans plus tarder des négociations en vue de la réintégration des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar ».

Non contraignante, conformément à la Charte des Nations-Unies, cette Résolution offre certainement une victoire morale à la partie malgache. Si le problème juridique des îles Éparses est clos – comme aime à le rappeler le Professeur Raymond Ranjeva, un des artisans de la Résolution et plus tard juge, puis vice-président de la Cour internationale de Justice –, il l’était sans doute avant le vote favorable à Madagascar de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Indépendamment de notre affaire en effet, suite au traitement par la Cour internationale de Justice de l’Affaire des essais nucléaires (Australie c. France), la France a retiré sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de cette institution le 10 janvier 1974. Le gouvernement malgache après avoir en janvier 1973 dénoncé les accords de coopération et le démembrement du territoire malgache par le Décret du 1er avril 1960, a manqué dans l’année en cours l’occasion d’un réel règlement judiciaire de l’affaire.

Répondant à une question présentant des similitudes avec ce qui nous concerne, posée par l’Assemblée générale des Nations-Unies2, la Cour internationale de Justice a donné un avis consultatif ce 25 février 2019. Elle déclare que le détachement de l’archipel des Chagos de la colonie britannique de Maurice pour l’intégrer dans les Territoires britanniques de l’océan Indien, réalisé par le Décret-loi du 8 novembre 1965 à la veille de son accession à l’indépendance, est contraire aux règles coutumières du droit international de la décolonisation forgées dans le cadre des Nations Unies.

Malgré une opposition très ferme de la part des États-Unis, et du Royaume-Uni qui souligne le rôle « vital » dans la stabilité et la sécurité de la région de la fameuse base aéronavale installée sur l’île la plus vaste de l’archipel, à Diego Garcia, l’Assemblée générale des Nations-Unies, le 22 mai 2019, constatant l’appartenance de l’archipel des Chagos à l’État mauricien, exige du Royaume-Uni sa restitution.

Si la France semble refuser l’intervention d’une quelconque juridiction internationale pour trancher toute affaire notamment de contestation maritime3, elle revendique néanmoins le droit international pour asseoir sa souveraineté – notamment le principe du terra nullius, qui justifierait la prise de possession d’un territoire « sans maître », inhabité, dont l’acquisition s’appuie sur une occupation effective.

Elle rattache les îles Éparses aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) avec la Loi du 21 février 2007, qui abroge le Décret du 1er avril 1960.

Sur place, elle entretient quelques soldats et météorologues et envoie des scientifiques passionnés par la nature, presque préservée de l’homme ; elle réglemente l’accès et la pêche dans les eaux de ces îles considérées comme sous souveraineté française. Régulièrement des gendarmes français arrêtent des pêcheurs malgaches, saisissent leurs pêches et confisquent leurs équipements.

Dans la zone de Juan de Nova, la France attribuait des permis de recherche et d’exploitation de gaz et d’hydrocarbures, jusqu’à l’adoption de la Loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, le 30 décembre 2017. Le dernier permis en date, accordé aux sociétés américaines South Atlantic Petroleum et Marex Petroleum en 2008, prolongé pour trois ans en 2015, ne fut plus renouvelé.

Le premier renouvellement en 2015 causa cependant des remous à Madagascar. La France s’est montrée alors disposée à des échanges avec la partie malgache. Des discussions se sont tenues en juin 2016 à Paris. Le préfet, administrateur des Terres australes et antarctiques françaises, a présenté les coopérations possibles sur les îles Éparses, notamment en matière de préservation de la biodiversité, de coopération scientifique et de gestion durable des ressources halieutiques. Mais la délégation française n’avait pas de mandat pour traiter des questions de souveraineté.

Le 29 mai 2019, suite à une demande intempestive du président malgache Andry Rajoelina, lors d’une rencontre à l’Élysée, la réouverture des discussions sur les îles Éparses par une nouvelle commission mixte franco-malgache fut annoncée pour parvenir à une solution « avant le 26 juin 2020 » (date célébrant le soixantenaire de l’indépendance recouvrée de Madagascar).

Trois semaines avant la commission mixte fixée au 18 novembre, le président français Emmanuel Macron, en visite sur une île des Glorieuses, a suscité la colère à Madagascar en déclarant : « Ici, c’est la France ». Sans surprise, lors de la commission mixte finalement réunie au palais d’Andafiavaratra à Antananarivo, « les deux délégations ont acté un différend, à ce stade, sur la question de la souveraineté ».

Il n’y a pas eu d’autre stade. D’atermoiement en atermoiement, le contexte de la crise sanitaire du Covid 19 par ailleurs, rien ne bouge dans le face-à-face des souverainetés.

Nous voilà encore au point de départ : d’un côté la contestation de la souveraineté et de l’autre, son exercice.

Le 10 juin 2021, le gouvernement français décide de faire des îles Glorieuses une réserve naturelle. Tollé malgache.

Lors d’une visite du président malgache Andry Rajoelina à Paris, le 27 août dernier, les deux Chefs d’État s’accordent sur la poursuite des travaux de la commission mixte, avant la fin de l’année, à Paris.

Le 22 septembre, le président malgache déclare devant l’Assemblée générale des Nations-Unies que la décolonisation de Madagascar est inachevée, tant que la question des îles Éparses ne trouve pas de solution. Avec son homologue français, proclame-t-il malgré tout, « nous œuvrons ensemble ».

Les effets d’annonce auxquels on a assisté de part et d’autre, l’esbroufe allant parfois jusqu’à la provocation, ne peuvent que faire douter de la nuance assignée par les deux chefs d’État à la prochaine commission mixte : « ouvrir des perspectives communes de développement économique durable pour cette zone, protéger les trésors de biodiversité qu’elle abrite et avoir aussi une stratégie scientifique commune ».

L’alternative de la cogestion qui semble ouverte n’est pas une solution nouvelle. Le principe est évoqué le 3 décembre 1999 lors du deuxième Sommet des dirigeants des États membres de la Commission de l’Océan Indien (COI) pour les îles Éparses et leurs ZEE. Selon la Déclaration finale du Sommet, « en l’absence d’un consensus entre certains États membres concernant la souveraineté sur certaines îles de l’océan Indien ainsi que la délimitation et le contrôle des ZEE, le sommet a décidé qu’en attendant l’aboutissement des consultations en cours, ces zones de contrôle seront cogérées par les pays qui les revendiquent. Les modalités de cette cogestion seront définies par les États membres concernés dans les plus brefs délais. »

La première tentative d’application concerne l’île Tromelin, sous administration française et revendiquée par Maurice depuis 1976.

Il y a à l’origine de la contestation un quiproquo à propos de la lecture en anglais non conforme avec la lecture en français du Traité de Paris de 1814 (qui a sanctionné la fin des guerres napoléoniennes).

Selon le projet de Loi d’approbation de l’accord-cadre de cogestion de 2011 soumis au Parlement français, « pour fonder sa souveraineté originaire sur le récif de Tromelin, la France invoque en premier lieu et de manière continue le titre de la découverte géographique en 1722 de ce territoire sans maître. »

Quand on entend parler un Occidental de découverte d’un lieu, on ne peut s’empêcher de penser qu’auparavant, avant la découverte, l’Occident ignorait l’existence de ce lieu. Le droit international contemporain penche à cause de cela pour écarter la possibilité de territoire sans maître (par exemple, Cour internationale de Justice, avis consultatif, 16 octobre 1975, Affaire du Sahara occidental).

Mais nous savons déjà qu’il ne saurait en tout état de cause être question que la France s’engage dans une procédure juridictionnelle. Quoi qu’il en soit, le document français cite également « les actes de souveraineté et d’administration sur cet îlot dès avant l’indépendance de Maurice : mise en place d’une station météorologique en 1954, édiction du Décret du 1er avril 1960 plaçant l’île sous l’autorité du Ministre chargé des Départements d’Outre-mer. »

Au passage, signalons que l’île en question, en juillet 1761, accueillit quatre-vingts Malgaches enlevés de Mahavelona (Fullpoint) par la Compagnie française des Indes orientales. Le navire, L’Utile, les déportant pour devenir esclaves à l’Île-de-France (Maurice) fit naufrage sur les récifs de l’atoll : dix-huit membres d’équipage et soixante-douze captifs, enfermés sous la cale, en meurent. Et alors que l’équipage français survivant repartait sur une embarcation de fortune, quatre-vingts Malgaches abandonnés sur l’île en devenaient les premiers habitants. Plus de quinze ans plus tard, en novembre 1776, l’enseigne de vaisseau Lanuguy de Tromelin porta secours à bord de la corvette Dauphine aux huit dernières survivantes : sept femmes et un nourrisson de huit mois. C’est pour cela que les Malgaches appellent cette île « Loza », Danger ou Malheur, à cause des malheurs qu’on y a vécu, et des morts qui y sont enterrés.

Malgré la sacralisation à Madagascar de la terre qui porte en son sein nos morts qu’on appelle « Tanindrazana », le président malgache Didier Ratsiraka, le 21 mars 1978, a offert son soutien à Maurice dans sa revendication de souveraineté sur Tromelin, alors que, dans un échange de bons procédés, Maurice appuyait Madagascar, dans sa revendication de souveraineté sur les autres îles Éparses. Ce « troc tactique » a été confirmé par les dirigeants successifs des deux pays.

Avec l’appui malgache, et surtout fort d’un grand soutien populaire, le gouvernement mauricien inscrit Tromelin, de même que l’archipel des Chagos, à la liste des territoires mauriciens dans la Constitution de Maurice en 1982. Depuis 1996, il délivre également des licences de pêche dans les eaux de Tromelin.

L’arraisonnement par la marine française en octobre 2004 de deux bateaux japonais munis de licences mauriciennes a occasionné une vive tension. Après de longues négociations, le 7 juin 2010, un accord franco-mauricien décide de la mise en place d’une cogestion. Approuvé par le Sénat français en décembre 2012, dans le cadre de la procédure simplifiée, le projet de Loi d’approbation de l’accord-cadre de cogestion n’a pas encore été soumis à l’Assemblée nationale ; le vote du texte a été déprogrammé au dernier moment en avril 2013, puis réinscrit puis retiré encore de l’ordre du jour en janvier 2017.

Le retrait a été justifié par le fait qu’« un débat irrationnel s’est emparé d’un certain nombre de groupes politiques » (Le Monde, 17 janvier 2017). Le concept de cogestion serait en effet interprété, bien à tort, comme un processus de renoncement de souveraineté, alors que justement il ne s’agit que d’une reconnaissance mutuelle de l’impossibilité de se mettre d’accord et d’en tirer les leçons pour, malgré tout, avancer.

L’objectif poursuivi est politique, selon le projet de Loi d’approbation de l’accord-cadre, et vise à dépasser le contentieux de souveraineté franco-mauricien par l’adoption d’une approche partenariale dans trois domaines spécifiques : environnement, archéologie et pêche. Mais l’Accord signé et l’approbation parlementaire française introuvable, il n’y a aucune avancée concrète. Au point que les Mauriciens se demandent si cette initiative pionnière ne se résume pas, en fin de compte, à un exercice diplomatique qui ne verra pas de concrétisation. Autrement dit, la voie de la cogestion ramène également au point de départ.

Ce qu’il y a de commun dans ces affaires, c’est le traitement dans un cadre bilatéral. Les résultats sont classiques du face-à-face des souverainetés, dont le caractère dissymétrique en ce qui nous concerne maintient le statu quo. Si les discussions bilatérales permettent aux parties de privilégier le dialogue à l’affrontement, elles demeurent, sans conteste, les plus propices à la préservation des intérêts de la plus forte, en l’occurrence, la France.

Dans le dossier spécial « Regards croisés sur les îles Éparses » de 2016, co-dirigé avec Christiane Rafidinarivo, nous avons déjà avancé la nécessité de sortir du cadre pour faire bouger les choses. La globalisation du monde repositionne la question de la contestation territoriale en gouvernance globale de voisinage avec une multiplicité d’acteurs publics et privés. Elle peut impliquer plusieurs États, de nombreux niveaux de gouvernance publics mais aussi privés : des firmes multinationales, des organisations non gouvernementales et autres entités de la société civile, des organisations multilatérales, internationales, régionales. Les rapports de force ne sont plus seulement alors inter-étatiques mais mettent en cause des réseaux financiers, privés ou communautaires. En cas de conflit, du fait de la mondialisation juridique, les résolutions peuvent se prendre sur plusieurs plateformes et devant plusieurs juridictions.

Dans un article du dossier précité, nous avons étudié, avec Randianina Radilofe, les risques inhérents à la contestation territoriale entre la France et Madagascar des investissements pétroliers à Juan de Nova. Nous avons relevé des menaces diverses qui les rendaient insécures. Il appert aujourd’hui que si la France a renoncé aux projets d’exploitation d’hydrocarbures, elle l’a fait peut-être pour répondre à des préoccupations environnementales4, mais aussi à cause de différentes pressions liées à la situation litigieuse de l’île pesant sur ces investissements. Situés dans un territoire contesté, ils étaient menacés, d’une part, par les risques de face-à-face des souverainetés – pouvant produire des black swans issus de la concurrence de permis, à l’instar de ceux délivrés pour la pêche dans la zone Tromelin – et, d’autre part, par la prise en compte d’intérêts jusque-là négligés du droit des investissements internationaux, comme ceux de l’environnement mais également des communautés locales.

Les sociétés américaines South Atlantic Petroleum et Marex Petroleum détentrices de permis français d’exploitation auraient pu être acculées devant une juridiction américaine, par exemple, pour atteinte aux intérêts d’une communauté locale, les pêcheurs nomades Vezo qui fréquentent traditionnellement la zone. La Cour Suprême des États-Unis (Sosa v. Alvarez-Machain & al., 29 juin 2004) reconnaît en effet une voie de recours aux étrangers pour obtenir réparation des préjudices subis à cause de la conduite des entreprises américaines contraire au droit international, coutumier ou conventionnel, où que celles-ci se trouvent ; sans que cela soit nécessaire de se prononcer sur une quelconque souveraineté.

Cet exemple mis en exergue permet de comprendre l’enjeu d’un cadre conceptuel plus ouvert. On peut le transposer dans d’autres secteurs comme l’environnement ou la pêche, sans compter que les secteurs peuvent s’interpénétrer. Ainsi dans le Canal du Mozambique : de très importants gisements d’hydrocarbures sont découverts, et depuis 2008 les pays riverains se lancent dans l’exploitation ; les cinq pays couvrant la zone, le Mozambique, Madagascar, les Comores, la Tanzanie et la France doivent trouver une entente afin que les efforts des uns pour protéger la faune et la flore, richesses des îles Éparses, ne soient pas réduits à néant par le productivisme des autres à la poursuite d’un développement économique. Il est illusoire en effet de penser protéger une réserve naturelle comme les Glorieuses au milieu d’un champ pétrolifère.

De même, d’autres problèmes de la zone comme la sécurité des personnes, la surveillance du trafic et le contrôle de la pêche nécessitent une coopération entre les États. Le renouvellement des accords de pêche entre Madagascar et l’Union européenne arrivés à expiration en 2018 devrait être observé du même prisme conceptuel. Émerge, par ailleurs, la concurrence économique de la Chine, mais également d’autres puissances comme la Russie, l’Inde ou l’Afrique du Sud.

Si globaliser l’analyse n’annule pas l’impératif des souverainetés, très prégnant dans les conflits territoriaux, cela permet l’ouverture des recherches à l’étude de la participation des acteurs autres que les États et, partant, d’envisager une diversité de règlements du problème, notamment une régionalisation correspondant à une meilleure sauvegarde des intérêts de toutes les parties prenantes. Les îles Éparses autour de Madagascar ou Nosy Malagasy, en effet, pourraient être l’équivalent de la Sarre ou de la Ruhr pour la Communauté économique européenne à ses débuts et devenir la base économique d’une Commission de l’océan Indien décloisonnée, réellement impliquée dans le développement correspondant aux aspirations des populations, ainsi que dans la préservation de la nature et dans la sécurité de la région. Et bien qu’au premier abord l’État français semble tenir au statu quo, il appartient à l’État malgache et aux autres, s’il est vrai qu’ils le veuillent, de trouver des voies afin d’inciter le premier à faire évoluer sa position.

Les îles Éparses, des reliquats territoriaux de la colonisation, devraient alors être considérées comme une chance de terminer autrement un épisode douloureux de l’histoire et sortir du rapport colonial.

1 Docteur en droit international

Co-directeur du Dossier spécial « Regards croisés sur les îles Éparses », Revue Madagascar Conseil International, Antananarivo, 2016, 84p.

2 Résolution 71/292 votée le 22 juin 2017, à la requête de l’État mauricien aux Nations Unies, en vertu de l’article 96 de la Charte.

3 En sus du refus de la juridiction de la CIJ, la France n’accepte aucune des dispositions prévues à la section 2 de la Partie XV (procédures obligatoires aboutissant à des décisions obligatoires) de la Convention sur le Droit de la mer de Montego Bay, au sujet des différends sur l’interprétation ou l’application des articles 15, 74 et 83 relatifs à la délimitation des zones maritimes ou les différends qui portent sur les baies ou titres historiques.

4 Un alibi puisqu’en même temps, la France soutient à travers des financements exports le rachat par la compagnie Total de la participation du groupe américain Anadarko dans un projet de gaz naturel liquéfié au Mozambique voisin.

 

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Johary Ravaloson

Né en 1965 à Antananarivo, Johary Ravaloson étudie le droit à Paris et à La Réunion (Doctorat en 2002), pratique et enseigne à La Réunion et dans sa ville natale, puis après une incursion dans l’art contemporain, avec Sophie Bazin sous le pseudonyme Arius et Mary Batiskaf, se consacre à la littérature depuis 2016. Il écrit des romans et des nouvelles. Il adapte des contes traditionnels. Il traduit. Il crée avec son épouse Sophie Bazin les éditions Dodo vole en 2006 pour mettre en valeur les arts et les littératures du sud-ouest de l’océan Indien. Il fonde en 2018, la revue Lettres de Lémurie qui publie annuellement vingt-quatre auteurs de cette région, en français ou dans leurs langues avec une traduction française. Il anime ponctuellement des ateliers d’écriture et se confronte parfois à d’autres moyens d’expression comme l’art plastique ou la vidéo. Inscrit dans la société civile malgache à travers différentes associations, il revendique l’autonomie de son travail littéraire et se veut écrivain dégagé.

Johary Ravaloson

Né en 1965 à Antananarivo, Johary Ravaloson étudie le droit à Paris et à La Réunion (Doctorat en 2002), pratique et enseigne à La Réunion et dans sa ville natale, puis après une incursion dans l’art contemporain, avec Sophie Bazin sous le pseudonyme Arius et Mary Batiskaf, se consacre à la littérature depuis 2016.

Il écrit des romans et des nouvelles.
Il adapte des contes traditionnels.
Il traduit.
Il crée avec son épouse Sophie Bazin les éditions Dodo vole en 2006 pour mettre en valeur les arts et les littératures du sud-ouest de l’océan Indien.
Il fonde en 2018, la revue Lettres de Lémurie qui publie annuellement vingt-quatre auteurs de cette région, en français ou dans leurs langues avec une traduction française.
Il anime ponctuellement des ateliers d’écriture et se confronte parfois à d’autres moyens d’expression comme l’art plastique ou la vidéo. Inscrit dans la société civile malgache à travers différentes associations, il revendique l’autonomie de son travail littéraire et se veut écrivain dégagé.

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