Abstract
Réparer l’information pour sauver la démocratie malgache
Dans un pays où la presse est à la fois miroir et matrice des dérives du pouvoir, repenser le journalisme devient un enjeu de survie démocratique. C’est le cœur du plaidoyer porté par Toavina Ralambomahay dans un article à la fois rigoureux et provocateur. Madagascar, explique-t-il, navigue à vue dans un désert médiatique miné par la précarité, la corruption et la confusion des rôles entre pouvoir, argent et information. Depuis plus de deux décennies, un nouveau Code de la communication est annoncé, sans jamais voir le jour. L’auteur y voit pourtant une opportunité majeure : celle de refonder un journalisme au service du citoyen, et non plus instrumentalisé par les puissants. Deux réformes concrètes et audacieuses sont proposées.
- La première : rendre l’actionnaire majoritaire d’un média responsable éditorialement, en le désignant comme directeur de publication. Derrière cette mesure se joue une idée simple : si l’on connaît le propriétaire d’un média, on comprend mieux ses orientations. Ce geste de transparence permettrait de limiter les manipulations, responsabiliser les élites et clarifier les débats. Dans un pays où les journalistes sont souvent mal formés, mal payés, et recrutés pour leur loyauté plus que leur compétence, cette réforme marquerait une rupture éthique majeure.
- La seconde : mettre en place une véritable Autorité indépendante des médias, dotée de quatre fonctions claires : surveiller les médias publics, encadrer la concentration, organiser la régulation numérique, et surtout, assurer le financement des médias d’opinion. Car oui, financer les voix minoritaires (ethniques, linguistiques, religieuses, de genre, etc.) est un impératif démocratique. Ce n’est pas un luxe, mais une condition de la pluralité.
Le texte plaide aussi pour la dépénalisation du métier de journaliste – trop souvent pris comme bouc émissaire, et pour une nouvelle structuration de l’ordre des journalistes. Il invite les partis politiques à se réapproprier ces questions, et les citoyens à exiger plus de leurs élus. À travers cette vision, l’auteur ne se contente pas d’un diagnostic. Il trace une feuille de route pour une presse plus libre, plus responsable, plus diverse – une presse capable de contribuer à la reconstruction d’un espace public digne de ce nom. Au fond, cet article ne parle pas que de médias. Il parle de Madagascar, de son avenir politique, de sa capacité à sortir de la défiance et du désenchantement. Il rappelle que la liberté d’expression ne se décrète pas : elle s’organise, elle se finance, elle se protège. Et que sans elle, aucune démocratie ne tient debout.
Plan de l’article
- Introduction générale
- Contexte de la réforme du code de la communication à Madagascar
- Objectifs : renforcer la responsabilité et protéger la démocratie
- Problématiques rencontrées dans le paysage médiatique malgache
- Manquements éthiques et déontologiques
- Pressions politiques, économiques et religieuses
- Censure, auto-censure, corruption et pauvreté du débat public
- Conditions de travail et précarité des journalistes
- Limites de l’étude
- Portée limitée au journalisme, sans approfondir l’édition ou l’impression
- Focalisation sur Madagascar en tant que terrain d’application
- Refus d’importer directement les modèles occidentaux sans adaptation locale
- Revue critique des sources
- Références nationales et internationales mobilisées
- Rôle des écrits de Lovamalala Randriatavy et des Agendas Friedrich Ebert
- Première recommandation : Identifier clairement le directeur de publication
- L’actionnaire majoritaire comme directeur de publication
- Transparence sur la ligne éditoriale et les propriétaires réels
- Impacts : lutte contre la manipulation, meilleure orientation du public
- Cas du co-directeur de publication
- En cas d’immunité du propriétaire (ex. président), désignation du deuxième actionnaire majoritaire
- Conséquences sur le recrutement et la clause de conscience
- Droit de quitter un média en cas de changement de ligne éditoriale
- Niveau académique des journalistes : pas de diplôme requis, mais devoir d’honnêteté intellectuelle
- Conditions de travail des journalistes
- Précarité généralisée, absence de reconnaissance statutaire
- Pratiques illégales d’embauche et classification floue (ouvrier/cadre)
- Information en ligne et journalisme citoyen
- Application des mêmes principes de responsabilité
- Cas des bloggeurs anonymes : responsabilité individuelle
- Deuxième recommandation : Autorité des médias et pluralité d’opinions
- Fusion et simplification des instances de régulation
- Structure : 4 sous-entités (radio/télévision, concentration, régulation, financement)
- Modalités de désignation des membres de l’Autorité
- Risques liés à la cacophonie ou à la domination idéologique
- Importance de l’implication des partis politiques et de la société civile
- Encadrement de la concentration des médias et des participations étrangères
- Limites sur la détention de parts et droits de vote
- Modèle inspiré de la France et Maurice
- Financement public des médias d’opinion
- Soutien à la pluralité via des aides financières équitables
- Redistribution des budgets publics de communication
- Résistances potentielles et conditions de mise en œuvre
- Risques d’opposition des actionnaires majoritaires
- Nécessité d’un relais politique pour faire adopter les réformes
- Rôle renouvelé de l’Ordre des journalistes
- Organisation des professions, émission régulière sur les lignes éditoriales
- Transparence des positions sociétales de chaque média
- Conclusion
- La démocratie est au cœur du débat, pas seulement le sort des journalistes
- Nécessité de repolitiser le débat public pour refonder un journalisme éthique et crédible
Toavina Ralambomahay