Abstract

Nous analysons le lien entre éducation et pauvreté à Madagascar, soulignant que plus de 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (2022). L’étude met en évidence le rôle crucial de l’éducation pour briser ce cycle et révèle que le niveau de scolarisation influence directement le taux de pauvreté : 97 % des analphabètes sont pauvres, contre seulement 17 % pour ceux ayant poursuivi des études supérieures. Malgré un taux de scolarisation primaire élevé, la rétention scolaire est faible et la majorité des enfants n’acquièrent pas les compétences de base. L’article pointe également les lacunes du système éducatif en termes de financement, d’infrastructures et de formation des enseignants. Il plaide pour des investissements à long terme et une stabilité des politiques éducatives afin d’assurer un développement durable et inclusif pour Madagascar.

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Des « capabilités » pour ne pas confiner la démocratie aux mécanismes institutionnels.
La conférence sur le thème : « Où en sommes-nous de la démocratie à Madagascar ? » nous aura permis de circonscrire le concept au travers de deux courants d’opinions, antithétiques, qui dominent les échanges (Pr Jean-Fabien Spitz) : une large majorité reconnaît à la démocratie, expression de la volonté collective, une souveraineté par nature, que lui refusent les tenants de la conception dite substantielle, qui y voient, au contraire, « quelque chose de très dangereux » dont l’expression doit être contrôlée si on veut lui conférer quelque légitimité. Bref, on a affaire à une notion tellement « élastique » que la plupart des dirigeants se réclament de la démocratie sans craindre d’être taxés de démagogues.
Les études ont montré qu’une définition littérale, formelle, de la démocratie ne saurait suffire d’autant qu’elle peut être mise en œuvre de différentes manières selon les pays, les cultures et les périodes historiques. Il existe donc plusieurs types de démocraties : directes, indirectes, représentatives, participatives, etc., à des degrés divers qui plus est. Ajoutons qu’au-delà des voies d’exercice du pouvoir proprement dites, une démocratie fonctionnelle repose sur des principes fondateurs censés permettre de garantir aux citoyens – qui concourent à l’expression de la volonté collective – la capacité de disposer de conditions de vie dignes et de droits fondamentaux, parmi lesquels figurent en bonne place l’expression des opinions politiques et la participation aux élections.
Amartya Sen fait appel à d’autres critères d’appréciation.
Les choses ne sont pas aussi simples pour autant, à en croire notamment l’économiste indien Amartya Sen, qui pousse la réflexion à un autre niveau en conjuguant développement et philosophie politique pour ne pas cantonner la démocratie aux simples mécanismes institutionnels. Les décisions politiques ou économiques, prises au niveau collectif, découlant foncièrement d’un arbitrage imparfait entre les besoins exprimés, Amartya Sen estime que les inégalités entre les individus ne s’apprécient pas au regard de leurs seules dotations en ressources mais de leurs capacités à les convertir en libertés réelles, ce qu’il appelle les « capabilités ».
Sa théorie défend « la possibilité pour les individus de faire des choix parmi les biens qu’ils jugent estimables et de les atteindre effectivement ». De faire des choix et de le faire savoir. Il s’agit de capacités élémentaires : opportunités et moyens réels dont dispose une personne pour atteindre ses objectifs et aspirations, libertés substantielles telles que la faculté d’échapper à la famine, à la malnutrition, à la morbidité évitable et à la mortalité prématurée, aussi bien que les libertés qui découlent de l’alphabétisation, de la participation politique ouverte, de la libre expression, etc.
La participation politique, qui inclut le droit de vote, figure au rang des capabilités fondamentales en ce qu’elle permet aux individus d’influencer les décisions qui affectent leur vie, contribuant ainsi, dans une sorte de relation circulaire, à favoriser la réalisation d’autres capabilités. Mais, pour que le droit de vote soit une capabilité réelle – un choix éclairé – les individus doivent être informés et éduqués sur les questions politiques et sociales. La cohérence est pertinente : dès lors que, par leur vote, les électeurs peuvent influencer la formation de politiques publiques qui affectent directement leur bien-être (éducation, santé, logement, emploi, etc.), cela peut mener à des améliorations dans les capabilités individuelles et collectives. À supposer, bien entendu, que les organisateurs des consultations aient véritablement ce genre de préoccupations en tête. Les mesures d’accompagnement indispensables sont connues : accès à l’information, garanties des conditions matérielles permettant de se rendre aux urnes, sécurité du scrutin à chaque étape, voies de recours, etc.
Des concepts « peu opérationnels ».
L’approche par les capabilités d’Amartya Sen est innovante dans la mesure où elle a permis de remettre l’individu au centre des préoccupations dans la réflexion sur la démocratie. Offrant une vision plus complète et nuancée du développement humain, elle a notamment inspiré des initiatives comme la création de l’Indice de Développement Humain (IDH) utilisé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Les critiques portent principalement sur la complexité de l’approche en raison du caractère protéiforme des capabilités et des difficultés pratiques pour les mesurer de manière précise et cohérente.
En absence d’une liste établie des « capabilités de base », identifier quelles capabilités seraient plus importantes que d’autres ne peut éviter l’écueil de la subjectivité, d’autant que l’objet de l’étude varie selon les contextes culturels et individuels. À cela s’ajoute une praticabilité sujette à caution, dans la mesure où la mise en œuvre de politiques basées sur cette approche nécessiterait des ressources considérables en termes d’administration des programmes, de coordination intersectorielle, voire de simple compréhension des contextes locaux. D’aucuns ont pu discuter le caractère opérationnel des concepts développés par Amartya Sen pour analyser et évaluer les problèmes de développement dans les différents pays et régions, encore moins pour suggérer des politiques publiques. Il n’en reste pas moins qu’en dépit de ces réserves, l’approche par les capabilités reste une contribution majeure aux débats sur le développement humain et les politiques sociales.
 Alain Rasendra.
(Pour Diapason, Mars 2025).
Rédaction – Diapason.

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