Madagascar, puissance discrète de la mondialisation

À peine croyables ces Malgaches… Je vous ai compris ! Ainsi parlerait un certain général au sortir de la 2nde guerre mondiale. Les chemises Lacoste portées sur les Champs-Élysées, les centres d’appels répondant aux clients de Qonto ou d’Orange, les batteries au nickel qui font vrombir les voitures électriques… Tous ont un point commun, mais essentiel : Madagascar. L’île rouge, ce bout de terre souvent réduit aux clichés de pauvreté et d’isolement, s’impose aujourd’hui comme une arrière-boutique stratégique de l’industrie mondiale. Ses mines, ses usines textiles et ses centres BPO alimentent les flux de la mondialisation. Mais derrière ces contributions, une question lancinante : pourquoi les Malgaches ne profitent-ils pas de cette formidable richesse ? Textile : des marques de luxe cousues sur l’île Des polos Petit Bateau aux jeans Levi’s, ce sont plus de 90 marques internationales qui font produire leurs collections à Madagascar[1]. France, Allemagne, Italie, Japon… toutes les grandes nations du textile y délocalisent leur confection. La qualité du savoir-faire malgache, la main-d’œuvre qualifiée, les coûts compétitifs et un cadre fiscal favorable attirent. Pourtant, le consommateur malgache n’a que peu accès à ces produits. Les articles quittent l’île pour être vendus à prix d’or à l’étranger, sans retombées substantielles pour l’économie locale. Pas de ruissellement, ni culturel, ni financier. Les ouvrières du textile restent payées au lance-pierre, et la balance commerciale reste déficitaire. Les unités de production, concentrées dans les zones franches, sont des enclaves où les règles internationales priment sur l’intérêt national. BPO : la voix malgache dans l’ombre du monde Plus d’une centaine d’entreprises de BPO (Business Process Outsourcing) sont aujourd’hui répertoriées à Madagascar[2]. On y gère les hotlines de Free, les services clients de Revolut, les demandes administratives d’Axa, ou encore le modérateur de contenus de Google. Le français châtié, la proximité horaire, la compétence technologique, tout concourt à faire de l’île une plateforme d’externalisation de choix pour les groupes européens. Mais la valeur ajoutée est captée à l’extérieur. Les contrats sont passés en devises, les dividendes rapatriés, les salaires indexés au SMIC local. Les jeunes générations, très compétentes, passent leur journée à résoudre les problèmes de consommateurs qu’ils n’ont jamais les moyens d’être eux-mêmes. Madagascar devient un cerveau auxiliaire de l’Occident, sans reconnaissance ni redistribution à la hauteur de son utilité. Les données concernant le classement des pays leaders dans le secteur de l’externalisation des processus métier (BPO) en 2023, notamment les revenus en milliards d’euros et leur part dans le PIB, proviennent de diverses sources. Voici le détail des informations disponibles : Rang Pays Revenus du BPO (Mds €) Part du PIB Source 1 Inde 200 ~8 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 2 Philippines 35 ~7 % ISO Standards 3 États-Unis 30 ~1 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 4 Pologne 25 ~3 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 5 Mexique 20 ~2 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 6 Malaisie 15 ~4 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 7 Brésil 12 ~1,5 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 8 Afrique du Sud 10 ~2 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 9 Égypte 8 ~1,8 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 10 Madagascar 0,60 ~4,1 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels Mines : le sous-sol, un trésor mal partagé Nickel, cobalt, ilménite, graphite, zircon, or… La liste est longue, les tonnages impressionnants. Selon les derniers chiffres, plus de 750 000 tonnes d’ilménite sortent annuellement de Fort-Dauphin via Rio Tinto. Ambatovy extrait 60 000 tonnes de nickel, pendant que le graphite part vers l’Asie pour alimenter les géants de la tech[3]. Ces ressources sont essentielles à la transition énergétique, à l’automobile, à l’informatique. Mais une fois encore, la manne s’évapore. Les contrats d’exploitation offrent peu de retour fiscal, les territoires miniers restent enclavés, les populations riveraines peu consultées. Le PIB ne décolle pas, les infrastructures n’émergent pas. L’Occident, dans sa frénésie décarbonée, repose en partie sur les terres rouges malgaches, mais la contrepartie est minimale. Une souveraineté à reconquérir Ce paradoxe malgache, celui d’un pays indispensable mais ignoré, pose une question cruciale : à quand une conscience économique nationale ? Au fond, ce pays est encore dans un vieux schéma de la colonisation du temps de Jules Ferry (1832-1893), père de l’école moderne française, qui a voulu que les populations des terres conquises par l’empire colonial français (1534-1980) cultivent un profond sentiment d’attachement et de fidélité à la France, et que leurs territoires servent de production de matières premières et de main d’œuvre bon marché en amont, et de déversoir de produits finis venant de la métropole ou d’ailleurs en aval, avec une fuite des capitaux acquis dans ce commerce inégal vers l’extérieur, grâce notamment à un système fiscal passoir matérialisé par les mesures dérogatoires des codes d’investissement et autres textes assimilés. Depuis 1964 et la création du premier Code des investissements, l’absence chronique de volonté politique a empêché toute stratégie d’appropriation nationale. Les dépenses fiscales, brandies comme leviers d’attractivité, se révèlent inefficaces sans vision souveraine. Le chemin à parcourir pour inverser la tendance est long et semé d’embûches. Pendant ce temps, les multinationales prospèrent en zones franches, sans que la population ne ressente le moindre ruissellement. Le pays continue de brader son potentiel, alors même que l’économie mondiale dépend de sa production. Les compétences sont là, les ressources aussi, la position géographique est stratégique. Ce qui manque, c’est cette fameuse volonté politique de transformer les flux en capital local et une volonté farouche de transformer un système qui ne bénéficie qu’à moins d’1% de la population. La confiance en soi La majorité des Malgaches, lassés par des décennies d’instabilité économique et politique, a fini par perdre confiance dans la promesse d’un avenir meilleur. Face à des chiffres qui évoquent richesse et savoir-faire, beaucoup peinent à y croire, tant leur quotidien contredit ces statistiques. Cette incrédulité est alimentée par des prédateurs financiers locaux et étrangers qui ont tout intérêt à dissimuler l’étendue de la production nationale : en gardant sous silence les flux économiques réels, elles protègent des revenus

La frontière est ténue entre communication persuasive et manipulation de masse

ans l’univers extraverti de la com, les « 10 stratégies de manipulation de masse » font figure de référence, bien que le célèbre linguiste (américain) Noam Chomsky, dont l’œuvre a inspiré la liste, a nié avoir commis cette compilation[1]. On ne prête qu’aux riches, tant il est vrai que cet auteur, devenu le porte-étendard de l’esprit critique post marxiste, a su décortiquer les process de manipulation dont les élites usent – et abusent – pour asseoir leur pouvoir. En politique, comme en toute chose, la stratégie a recours à des mécanismes spécifiques, pensés pour parvenir aux résultats attendus. La manipulation de masse désigne l’ensemble des techniques utilisées pour influencer, de manière souvent dissimulée ou biaisée, les opinions et les comportements d’un grand nombre de personnes. Contrairement à une information honnête ou à une argumentation rationnelle, la manipulation cherche à orienter sans convaincre, en jouant sur les émotions, les peurs ou les réflexes cognitifs des individus. Le rôle crucial qu’elle joue dans la formation des opinions peut avoir des conséquences significatives sur le fonctionnement démocratique, plus particulièrement quand les médias sont sous contrôle, des pouvoirs publics comme des intérêts privés qui ont généralement pignon sur rue.   Définition et origines historiques Quand on évoque la manipulation de masse, on pense immédiatement à Gustave Le Bon (1841-1931) qui avait développé des analyses sur le comportement des foules et leur susceptibilité à l’influence (Psychologie des foules, 1895)[2]. L’anthropologue explique les comportements irraisonnés des foules par le fait que des individus réunis ne raisonnent pas de la même manière que s’ils étaient seuls. Il établit qu’une foule est une entité psychologique particulière, irréductible aux individus qui la composent et qu’il faut, par conséquent, l’analyser comme telle. « Peu aptes au raisonnement, les foules sont au contraire très aptes à l’action », grâce à ce qu’il appelle l’« unité mentale des foules ». De même, au début du XXe siècle, Edward Bernays (1891-1995), considéré comme le père des relations publiques, développe des techniques de persuasion de masse en s’appuyant sur la psychologie et la psychanalyse. Il publie, en 1928, son bestseller Propaganda[3], dans lequel il affirme : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays ». Mécanismes Solomon Asch (1907-1996), pionnier de la psychologie sociale, a démontré la tendance des individus à aligner leurs opinions sur celles du groupe, même contre leur propre jugement. Au-delà de cet effet de conformisme, le process s’appuie également sur ce que les experts appellent des biais cognitifs, qui sont des mécanismes de pensée à l’origine d’une altération du jugement. On citera notamment le biais de confirmation (d’hypothèse), qui traduit une tendance naturelle chez les êtres humains à privilégier les informations qui confortent leurs préjugés et leurs convictions, ou encore l’effet Dunning-Kruger, mécanisme par lequel les personnes les moins qualifiées d’un groupe tendent à surestimer leur compétence, des individus en surconfiance, en somme, car « l’ignorance engendre la confiance en soi plus souvent que la connaissance » (Charles Darwin). Plus grave, les réseaux sociaux offrent une tribune où toutes les voix semblent avoir une valeur équivalente, phénomène qui est à l’origine d’une égalisation apparente entre experts et amateurs. Ainsi, une opinion non informée peut atteindre des millions de personnes en quelques heures, et les conséquences sont souvent irréversibles. « Les algorithmes des plateformes favorisent souvent les contenus polarisants ou émotionnels, qui captent davantage l’attention que les analyses nuancées »[4]. L’érosion du discernement collectif est une autre conséquence préoccupante dans la mesure où les affirmations non vérifiées finissent par être perçues comme des vérités quand elles sont répétées et partagées massivement[5].   Les stratégies de manipulation en politique Les études sur le sujet ont dégagé les principaux éléments pour distinguer la manipulation politique d’un simple effort de communication. Il y a, tout d’abord, l’asymétrie d’information, empruntée à l’économie et aux études de marché, qui est illustrée par le fait que les citoyens ne disposent pas, en règle générale, des outils pour décoder les intentions derrière un message, alors que, d’un autre côté, les politiques s’entourent de spécialistes du marketing, des données et de la communication. À rapprocher du recours à des figures d’autorité, ou à des « experts », pour légitimer un récit, quand bien même celui-ci serait partiel ou orienté. Le ciblage émotionnel figure également en bonne place dans la liste des outils utilisés : la peur, la colère ou l’espoir sont des leviers puissants. Un message qui fait vibrer la corde sensible a plus de chances d’être retenu, et relayé, qu’un raisonnement logique. Et, surtout, il y a la simplification du réel. Les discours manipulateurs tendent à réduire la complexité du monde à des oppositions binaires : eux vs. nous, le bien vs. le mal, le peuple vs. les élites, etc. Ces méthodes visent à produire une illusion de libre choix, alors que l’opinion est guidée à son insu par des mécanismes psychologiques et médiatiques soigneusement orchestrés. Il ne s’agit pas simplement de faire connaître un point de vue, mais de produire du consentement, voire de le simuler, notamment par la diffusion de messages simplifiés, par l’exclusion de certains discours contradictoires ou par la création d’un climat affectif favorable à une idéologie. À l’échelon au-dessus, vous avez la propagande (diffusion d’informations, vraies ou fausses) et la désinformation (diffusion délibérée de fausses informations pour tromper) érigées en com officielle, toujours dans le but d’influencer l’opinion publique. À l’ère du « full numérique », ces pratiques se manifestent par les « fake news » et autres « deepfakes » – fausses nouvelles lancées en connaissance de cause dans le champ médiatique. Il s’agit de productions, souvent à haute dose, émanant de petites mains utilisées dans les fermes à trolls. Madagascar n’est pas en reste dans ce domaine, loin s’en faut !   Contrôle des médias et instrumentalisation de la pauvreté Le rôle central des médias, servant tantôt d’outils de propagande, tantôt de vecteurs de désinformation, est apparu clairement lors de la crise majeure de janvier 2009, marquée par le

Madagascar, pion vulnérable ou pièce maîtresse sur l’échiquier mondial ?

Note des auteurs : Cet article ne constitue en aucun cas une incitation à l’affrontement diplomatique ou économique. Il s’agit d’un exercice de réflexion stratégique sur les leviers géopolitiques et économiques dont pourrait disposer Madagascar dans un contexte mondial en mutation.   Nous analysons la situation stratégique de Madagascar dans le contexte d’une pression tarifaire imposée sur la marge des activités offshores. Cet article explore notamment comment la Grande Île – fournisseur essentiel de minerais, acteur clé dans le BPO (Business Process Outsourcing) et producteur dans le textile – pourrait transformer sa vulnérabilité en levier stratégique pour renégocier ses contrats internationaux, dans un jeu d’échecs géostratégique où rien n’est à perdre. C’est une proposition de relecture de la situation économique et géopolitique de Madagascar à la lumière d’un levier inédit : une taxe extérieure de 47 % imposée sur les importations des produits provenant de Madagascar ; à la lueur des faits, il s’agirait en fait d’une taxe sur la marge des entreprises offshore opérant sur le territoire. Un scénario inspiré d’une stratégie de Trump sur les terres rares ukrainiennes, transposé ici dans un pays souvent perçu comme marginal. Pourtant, au croisement des minerais stratégiques, des services numériques et du textile, Madagascar pourrait transformer sa vulnérabilité en force de négociation. Une taxe à 47 % sur la marge offshore : un catalyseur de rééquilibrage ? L’ampleur de la menace est proportionnelle à la hauteur de l’intérêt… Dans les secteurs à forte dépendance mondiale – minerais, BPO, textile – les multinationales installées à Madagascar utilisent des structures offshores pour capter une grande partie de la valeur ajoutée hors du territoire. Ces flux financiers échappent largement à la fiscalité nationale. Décryptons avec l’exemple d’Apple ce processus d’Offshorisation. Le processus d’offshorisation (Apple, etc.) Les grandes entreprises américaines ont, pendant des décennies, cherché à réduire leurs coûts de production en délocalisant une partie de leur chaîne de valeur, en particulier vers la Chine. Cela s’est fait de façon stratégique : Apple est pris comme exemple emblématique : même si la conception des produits se fait aux États-Unis, l’assemblage est massivement réalisé en Chine, notamment par Foxconn. Ce phénomène a été encouragé par la logique de chaîne de valeur globale, dans laquelle les tâches les moins coûteuses (comme l’assemblage) sont externalisées vers des pays à bas salaires, ce qui maximise les profits. Les États-Unis ont donc vu disparaître une partie de leur base industrielle, avec des conséquences sur l’emploi local (notamment dans la « Rust Belt »). Ce système repose aussi sur un accès facile aux marchés mondiaux, notamment via des accords de libre-échange et des droits de douane faibles. L’analyse met en lumière que cette offshorisation a fragilisé une partie de l’économie américaine. Schéma d’offshorisation simplifié d’un iPhone (Avec prix d’achat de 100 $, production en Chine, revente par une holding intermédiaire, et impact fiscal) Étape Acteur Localisation Action Prix Taxation locale 1 Foxconn (sous-traitant) Chine Assemble l’iPhone 100 $ (coût usine) Faible ou nulle (zone franche industrielle) 2 Holding Apple (filiale) Irlande / île Cayman Achète à 100 $ – revend à Apple US Vente à 300 $ Fiscalité très basse (souvent < 5 %) 3 Apple Inc. États-Unis Achète à 300 $, vend à client final Prix final = 999 $ Impôt US uniquement sur la marge finale (après coûts déduits)   Marge et fiscalité cachée Flux Montant Détail Valeur ajoutée par la holding 200 $ Ce transfert artificiel permet de loger 200 $ de bénéfice dans un paradis fiscal Impôt payé aux USA Faible Car Apple US n’a “que” 699 $ de marge brute Impôt payé en Irlande Quasi nul Grâce aux montages fiscaux (ex. : « Double Irish », maintenant réformé)   Ce que cela permet : Éviter les droits de douane américains sur le prix réel (car la valeur importée est officiellement de 300 $ et non 999 $). Minimiser la base taxable aux États-Unis. Optimiser les bénéfices au niveau mondial tout en payant très peu d’impôts. Quelles relations avec Madagascar ? Le PIB de Madagascar atteint difficilement 17 Mds de dollars avec autant de richesses naturelles et humaines (contre 2 925 Mds € en France) car les multinationales appliquent un schéma d’offshorisation aux trois secteurs clés de Madagascar souvent intégrés à des chaînes de valeur mondiale : Zones franches textiles, BPO (Business Process Outsourcing), Industrie minière. Pour chaque secteur, nous avons préparé un tableau équivalent à celui d’Apple, adapté au contexte malgache.   🔹 1. Zones franches textiles à Madagascar   Étape Acteur Localisation Action Prix Taxation locale 1 Atelier textile (ex : outsourcing indien ou malgache) Madagascar (zone franche) Produit un T-shirt pour une marque étrangère 2 $ Exonération d’impôts sur 15 ans (loi ZFI) 2 Holding de marque (ex : île Maurice, Hong Kong) Hors Madagascar Achète à 2 $, revend à la marque principale Vente à 10 $ Fiscalité très faible (holding offshore) 3 Marque finale (Europe, USA) UE / USA Vend à un client final Prix final = 25 $ Imposée uniquement sur bénéfices nets ✅ Effet : La valeur ajoutée reste à l’étranger (10 $ à 25 $), alors que Madagascar ne capte que la main-d’œuvre (2$) et un effet faible sur la fiscalité locale.   🔹 2. BPO à Madagascar (centres d’appels, saisie, développement)   Étape Acteur Localisation Action Prix Taxation locale 1 Prestataire local (ex : société BPO malgache) Madagascar Effectue la prestation (ex : 100 appels) Coût : 100 € Taux réduit, voire exonération sur bénéfices ZFI 2 Filiale ou société partenaire France / Maurice Re-facture la prestation au client Revente : 300 € Fiscalité optimisée 3 Client final (ex : entreprise française) France Reçoit le service, paie 300 € – TVA locale + charges classiques ✅ Effet : Le surplus de valeur (200 €) ne reste pas à Madagascar, malgré un effort réel de travail local → Madagascar est une plaque technique, non décisionnelle.   🔹 3. Industrie minière à Madagascar   Étape Acteur Localisation Action Prix Taxation locale 1 Exploitant local / filiale étrangère Madagascar Extrait un minerai (ex : nickel ou ilménite) Valeur brute : 100 $ Faible taxe minière (exonération pendant exploitation initiale) 2 Société mère (ex : Canada, France, Australie) Hors

Crise de la vanille à Madagascar – Impacts et Préconisations –

La crise actuelle du secteur de la vanille et ses conséquences sur Madagascar Madagascar est le premier exportateur mondial de vanille préparée, avec 70-80 % de part de marché[1], correspondant respectivement à 2 000 tonnes en 2020-2022, près de 2 500 tonnes en 2023 et 4 400 tonnes en 2024[2]. Ses principaux concurrents sont l’Indonésie, l’Ouganda et la Papouasie-Nouvelle-Guinée[3]. Les derniers prix du marché mondial reflètent la suroffre malgache, qui a entraîné un surstockage chez les exportateurs et importateurs : alors qu’ils avaient atteint 600 $/kg vers 2018[4], ils avaient été bloqués par le gouvernement malgache entre 350-250 $/kg de 2020 à mi-2023[5], puis ont été brusquement libéralisés pour tomber jusqu’à 15 $/kg. Aujourd’hui, ils se situent dans la fourchette 40-60 $/kg[6]. Le secteur de la vanille compte près de 100 000 fermiers, majoritairement dans la région SAVA, dont près de 80 % sont des petits planteurs. Les autres sont des producteurs intégrés à des structures gérant toute la chaîne de valeur (production, transformation, exportation). Pour 1 kg de vanille préparée, il faut 5-6 kg de vanille verte, dont le prix minimum était fixé à 75 000 MGA/kg jusqu’en 2023[7]. Sous pression, les transactions se sont faites à un prix plancher pouvant descendre jusqu’à 5 000 MGA/kg[8]. Aujourd’hui, les échanges, pour de la vanille verte de bonne et d’excellente qualité, sont autour de 35.000-40.000 MGA/kg. La production de vanille verte est longue et coûteuse, impliquant une pollinisation manuelle, une cueillette et un séchage minutieux avant transformation. Les gousses de vanille subissent ensuite plusieurs étapes : échaudage, étuvage, séchage et affinage. Lorsqu’elle est conservée dans de bonnes conditions, la vanille préparée peut être stockée pendant 3-4 ans. Si cette crise ne concernait pas un pays de 30 millions d’habitants, dont 80 % vivent sous le seuil de pauvreté, avec une gouvernance en déficit de ressources financières et un manque de vision stratégique pour son développement économique et social, ce ne serait qu’une crise de plus dans le secteur des matières premières agricoles. En 2025, les prévisions d’exportation ne dépassent guère 1 000 tonnes. Or, sur des recettes extérieures annuelles de l’ordre de 3,5 milliards de dollars, la vanille représentait entre 20-25 % en 2021-2023[9]. La baisse des volumes et des prix aura donc des conséquences financières majeures pour Madagascar. En outre, bien que le sujet soit peu relayé par les médias nationaux, les petits planteurs sont en plein désarroi, faute d’une stratégie de sortie de crise. Les mesures annoncées pour gérer la crise Les solutions proposées sont classiques et imprécises, témoignant d’une méconnaissance des rapports de force et de l’évolution rapide du commerce international. De plus, elles mentionnent peu d’appuis concrets pour les petits planteurs, actuellement en grande difficulté. La réduction du nombre d’exportateurs agréés pourrait être une bonne mesure si elle permet de limiter la captation de valeur par les intermédiaires. Toutefois, le risque est de créer un monopole d’exportateurs sans argument de compétitivité, uniquement focalisés sur la maximisation des volumes.  Il conviendra d’examiner la transparence de l’attribution des licences d’exportation. En cas d’opacité, la perte de confiance des investisseurs et importateurs internationaux sera irréversible, laissant le champ libre à des concurrents comme l’Indonésie et l’Ouganda. Rétablir des prix planchers à l’exportation sans dispositif organisé serait une erreur. Contrairement au cacao ou au café, la vanille n’est pas cotée en bourse mais négociée en contrats directs (« one-to-one »). Madagascar pourrait imposer ses conditions selon les cycles, mais ce sont généralement les importateurs qui fixent les prix. La durabilité est devenue un critère essentiel pour les acheteurs. L’organisation Sustainable Vanilla Initiative (SVI) regroupe les 45 acteurs majeurs du secteur. Pour eux, l’approvisionnement durable implique : La traçabilité des produits, Le soutien effectif aux producteurs, Le respect de l’environnement, La prévention des risques climatiques, Une gouvernance transparente, Des standards d’hygiène et de qualité rigoureux. Seuls quelques exportateurs malgaches avaient réussi à se conformer à ces critères. Cependant, signe encourageant, une vingtaine d’exportateurs malgaches ont rejoint la SVI en 2024. Que faut-il savoir du marché de la vanille naturelle ? Trois grandes catégories de vanille existent : « Gourmet» : haut de gamme, destinée aux boutiques spécialisées. « Extraction» ou « splits » : qualité intermédiaire pour les industriels et les consommateurs. « Cuts» : destinée aux usages industriels (poudres, huiles essentielles, cosmétiques). Du côté des producteurs, la grande majorité, qualifiée de « petits », a longtemps travaillé de manière indépendante, vendant leur vanille verte à des intermédiaires dont beaucoup se contentaient de la revendre à de petits exportateurs souvent peu scrupuleux sur la qualité. Cependant, certains de ces paysans ont adhéré à des organisations structurées, comme l’entreprise Sahanala, qui leur offre des avantages sociaux (infrastructures d’éducation et de santé, fourniture de produits alimentaires à bas prix ou gratuitement) en échange du respect des normes de qualité bio imposées par des importateurs garantissant l’achat de toute leur production. Malgré la crise, certaines de ces structures restent actives et seront appelées à se développer davantage avec l’adhésion croissante des exportateurs aux normes SVI. Vanille naturelle ou synthétique ? La vanilline, principal composé aromatique de la vanille, est largement utilisée dans l’industrie agroalimentaire. Cependant, en raison de la rareté et du coût élevé de la vanille naturelle, la majorité de la vanilline utilisée est synthétique. Cette vanilline synthétique est produite à partir de substances telles que le gaïacol ou la lignine, et son coût est significativement inférieur à celui de la vanille naturelle. Par exemple, la vanille naturelle extraite des gousses séchées de l’orchidée du genre Vanilla est coûteuse, étant ultimement vendue aux consommateurs à plusieurs milliers de dollars le kilogramme, tandis que la vanilline synthétique coûte généralement entre 10 et 20 dollars le kilogramme[10]. Cette différence de coût rend la vanilline synthétique particulièrement attractive pour les industries alimentaires, notamment dans des produits comme les glaces à la vanille, où l’utilisation de vanille naturelle serait prohibitive en termes de coût. Quel impact sur Madagascar ? Madagascar, en tant que principal producteur de vanille naturelle, est directement affecté par la concurrence de la vanilline synthétique. La disponibilité d’une alternative synthétique moins coûteuse réduit la demande

Madagascar : L’économie fantôme d’une nation spoliée

Abstract Malgré sa richesse en ressources naturelles, Madagascar peine à se développer économiquement en raison d’une fuite massive des revenus, d’une fiscalité faible sur les multinationales et d’une économie souterraine florissante. Le PIB du pays en 2023 s’élevait à 14,6 milliards d’euros, mais les recettes fiscales ne représentaient que 12,8 % du PIB, l’un des taux les plus bas au monde. L’article met en lumière les failles du système fiscal malgache, notamment les exonérations fiscales pour les multinationales, le manque de transparence dans les contrats miniers et la faiblesse des contrôles douaniers. Une large part des richesses du pays échappe aux caisses de l’État à travers des mécanismes d’évasion fiscale sophistiqués, tels que la sous-déclaration des volumes exportés, la facturation interne entre filiales et le transfert des bénéfices vers des paradis fiscaux. Le secteur minier, en particulier, est pointé du doigt : les multinationales exploitent les ressources naturelles du pays tout en minimisant leur contribution fiscale. Des témoignages révèlent que les volumes réels d’exportation de minerais comme l’ilménite et le cobalt sont largement sous-estimés. Par ailleurs, des milliards d’euros de richesses naturelles quittent le pays via des circuits informels, notamment en ce qui concerne l’or et les pierres précieuses. L’article propose plusieurs réformes pour améliorer la situation, notamment le renforcement des contrôles douaniers, la lutte contre l’évasion fiscale, la renégociation des contrats miniers et la diversification économique. En l’absence de mesures concrètes, Madagascar restera piégé dans un système favorisant les intérêts des élites locales et des investisseurs étrangers au détriment du développement national. Télécharger l’article :  Ici 🗞

Entre Impunité et Répression – L’Érosion des Principes Démocratiques

  Diapason est un « think tank » qui veut poser des questions, nourrir le débat, valoriser les initiatives et favoriser l’innovation socio-économique et politique pour le développement de Madagascar. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du think tank.  Nos valeurs Boussole / Cap Indépendance politique Multiculturel Vision à long terme Trait d’union entre savoir et pouvoir Éducation Recul nécessaire Liberté d’action Disruptif Bonne lecture ! § Entre Impunité et Répression : L’Érosion des Principes Démocratiques Les événements des dernières années nous montrent, malheureusement, un déclin inquiétant de la démocratie à Madagascar. Au lieu de servir les intérêts du peuple, ceux qui détiennent le pouvoir semblent de plus en plus tourner le dos à leurs responsabilités, agissant selon des règles qui leur sont propres, souvent loin des attentes des citoyens. Les institutions essentielles pour la démocratie, telles que les journalistes chargés de dénoncer les abus de pouvoir, les tribunaux censés garantir l’égalité devant la loi, et les ONG protégeant les droits fondamentaux, sont aujourd’hui réduites au silence. Elles sont étouffées par la peur des représailles et l’ingérence politique, incapables d’agir librement. L’État de droit, pierre angulaire de toute démocratie, est en train de se désintégrer sous nos yeux. Ce n’est plus un simple problème institutionnel, mais un défi existentiel pour notre avenir collectif. En regardant de près l’évolution de ces dernières années des six domaines clés liés à la démocratie, on constate que : Justice – L’indépendance de la justice est systématiquement bafouée par les ingérences politiques, et le manque de moyens a paralysé un système judiciaire déjà fragile. La Constitution elle-même est ignorée, et les libertés fondamentales sont en péril. Lutte contre la corruption – Les agents publics et les hauts fonctionnaires et hauts gradés surtout, mus par un désir insatiable de gains faciles et protégés par une impunité totale, ont institutionnalisé pratiquement la corruption. Les affaires scandaleuses médiatisées restent impunies, et les lanceurs d’alerte sont laissés sans protection. Liberté des médias – La presse, qui devrait être un rempart contre les abus de pouvoir, est désormais sous pression. De nombreux médias sont contrôlés par ceux-là mêmes qui devraient être surveillés, compromettant leur impartialité et leur rôle de gardien de la vérité. Contre-pouvoirs – Des lois adoptées dans l’urgence sont pensées pour court-circuiter les mécanismes de contrôle démocratiques. Les institutions censées protéger les droits des citoyens sont réduites au silence, et les élections, cœur de la démocratie, sont sérieusement menacées. Espace civique – Les ONG, essentielles à la défense des droits humains, sont attaquées et privées de leurs moyens d’action. Les manifestations pacifiques sont réprimées violemment, et de nouvelles lois toujours plus restrictives rendent toute forme d’opposition dangereuse. Droits humains – Les libertés de parole, d’association et de réunion sont de plus en plus restreintes. Les autorités utilisent la force excessive contre les manifestants, étouffant toute velléité de contestation. Nous ne pouvons plus ignorer cette érosion des principes démocratiques. L’heure est venue de réagir. La démocratie n’est pas un luxe, mais une nécessité pour garantir la justice sociale, les libertés individuelles et l’équité pour tous les Malagasy. Il est impératif de rétablir l’État de droit, de protéger nos institutions et d’affirmer nos droits fondamentaux. Unissons-nous, citoyens malagasy, pour redonner vie à la démocratie. Ne laissons pas l’impunité et la répression détruire nos rêves de liberté et de bonheur dans la paix. Zaza Ramandimbiarison   Télécharger l’article :  Ici 🗞

Mantchini Traoré : Accompagner et Former la Jeunesse pour l’Afrique de Demain

Abstract Cet entretien avec Mantchini Traoré met en lumière son engagement en faveur d’un développement africain centré sur la jeunesse et la culture. Issue du Mali, elle a bâti un parcours unique, alliant expertise institutionnelle et travail de terrain dans les industries culturelles et créatives. Son initiative phare, L’Instant Thé, repose sur une approche « bottom-up », où les jeunes deviennent acteurs du changement au sein de leur communauté. Inspiré du concept malien des Grins – espaces de discussion et de réflexion –, ce programme accompagne les jeunes dans leur engagement citoyen et leur apprentissage de l’entrepreneuriat social. L’objectif est clair : former une génération de leaders capables de répondre aux défis du continent par des solutions locales et durables. L’impact est tangible : après plusieurs éditions au Mali, 300 jeunes engagés et 15 projets communautaires ont vu le jour. Ces initiatives touchent des secteurs variés, de l’environnement à l’autonomisation des femmes, en passant par la lutte contre la toxicomanie. L’approche innovante de L’Instant Thé s’appuie sur la culture, le digital et la création artistique comme outils d’éducation et de sensibilisation. Dans la continuité de ces actions, deux nouveaux projets innovants renforcent cette dynamique de transformation : Sa collaboration avec l’ONG RAES dans le cadre de leur programme Alley-Oop Africa, un projet panafricain mêlant sport, engagement citoyen et médias digitaux, destiné à sensibiliser et accompagner les jeunes dans leur développement personnel et collectif. À travers une docu-série et une académie de formation au Sénégal, il mobilise des jeunes de 7 pays africains, en s’appuyant sur la notoriété du basket et des sportifs de haut niveau pour diffuser des valeurs de solidarité et de responsabilité. L’internationalisation de L’Instant Thé, avec une adaptation du concept dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest, en partenariat avec le ministère en charge de la jeunesse. L’objectif est de structurer une communauté de jeunes leaders à l’échelle régionale, en leur offrant un cadre de formation, de mentorat et d’action pour répondre aux défis locaux. Cet engagement s’inscrit dans une vision plus large du panafricanisme appliqué, où le développement repose avant tout sur les ressources humaines et culturelles locales. Pour Mantchini Traoré, l’avenir de l’Afrique se joue sur sa jeunesse : lui offrir les moyens de se former, d’innover et de s’impliquer est la clé d’un développement durable et autonome. Télécharger l’article :  Ici 🗞

Combattre la pauvreté par l’éducation

Abstract Nous analysons le lien entre éducation et pauvreté à Madagascar, soulignant que plus de 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (2022). L’étude met en évidence le rôle crucial de l’éducation pour briser ce cycle et révèle que le niveau de scolarisation influence directement le taux de pauvreté : 97 % des analphabètes sont pauvres, contre seulement 17 % pour ceux ayant poursuivi des études supérieures. Malgré un taux de scolarisation primaire élevé, la rétention scolaire est faible et la majorité des enfants n’acquièrent pas les compétences de base. L’article pointe également les lacunes du système éducatif en termes de financement, d’infrastructures et de formation des enseignants. Il plaide pour des investissements à long terme et une stabilité des politiques éducatives afin d’assurer un développement durable et inclusif pour Madagascar. Télécharger l’article :  Ici 🗞 Lecture de l’article 6 minutes et 16secondes Des « capabilités » pour ne pas confiner la démocratie aux mécanismes institutionnels. La conférence sur le thème : « Où en sommes-nous de la démocratie à Madagascar ? » nous aura permis de circonscrire le concept au travers de deux courants d’opinions, antithétiques, qui dominent les échanges (Pr Jean-Fabien Spitz) : une large majorité reconnaît à la démocratie, expression de la volonté collective, une souveraineté par nature, que lui refusent les tenants de la conception dite substantielle, qui y voient, au contraire, « quelque chose de très dangereux » dont l’expression doit être contrôlée si on veut lui conférer quelque légitimité. Bref, on a affaire à une notion tellement « élastique » que la plupart des dirigeants se réclament de la démocratie sans craindre d’être taxés de démagogues. Les études ont montré qu’une définition littérale, formelle, de la démocratie ne saurait suffire d’autant qu’elle peut être mise en œuvre de différentes manières selon les pays, les cultures et les périodes historiques. Il existe donc plusieurs types de démocraties : directes, indirectes, représentatives, participatives, etc., à des degrés divers qui plus est. Ajoutons qu’au-delà des voies d’exercice du pouvoir proprement dites, une démocratie fonctionnelle repose sur des principes fondateurs censés permettre de garantir aux citoyens – qui concourent à l’expression de la volonté collective – la capacité de disposer de conditions de vie dignes et de droits fondamentaux, parmi lesquels figurent en bonne place l’expression des opinions politiques et la participation aux élections. Amartya Sen fait appel à d’autres critères d’appréciation. Les choses ne sont pas aussi simples pour autant, à en croire notamment l’économiste indien Amartya Sen, qui pousse la réflexion à un autre niveau en conjuguant développement et philosophie politique pour ne pas cantonner la démocratie aux simples mécanismes institutionnels. Les décisions politiques ou économiques, prises au niveau collectif, découlant foncièrement d’un arbitrage imparfait entre les besoins exprimés, Amartya Sen estime que les inégalités entre les individus ne s’apprécient pas au regard de leurs seules dotations en ressources mais de leurs capacités à les convertir en libertés réelles, ce qu’il appelle les « capabilités ». Sa théorie défend « la possibilité pour les individus de faire des choix parmi les biens qu’ils jugent estimables et de les atteindre effectivement ». De faire des choix et de le faire savoir. Il s’agit de capacités élémentaires : opportunités et moyens réels dont dispose une personne pour atteindre ses objectifs et aspirations, libertés substantielles telles que la faculté d’échapper à la famine, à la malnutrition, à la morbidité évitable et à la mortalité prématurée, aussi bien que les libertés qui découlent de l’alphabétisation, de la participation politique ouverte, de la libre expression, etc. La participation politique, qui inclut le droit de vote, figure au rang des capabilités fondamentales en ce qu’elle permet aux individus d’influencer les décisions qui affectent leur vie, contribuant ainsi, dans une sorte de relation circulaire, à favoriser la réalisation d’autres capabilités. Mais, pour que le droit de vote soit une capabilité réelle – un choix éclairé – les individus doivent être informés et éduqués sur les questions politiques et sociales. La cohérence est pertinente : dès lors que, par leur vote, les électeurs peuvent influencer la formation de politiques publiques qui affectent directement leur bien-être (éducation, santé, logement, emploi, etc.), cela peut mener à des améliorations dans les capabilités individuelles et collectives. À supposer, bien entendu, que les organisateurs des consultations aient véritablement ce genre de préoccupations en tête. Les mesures d’accompagnement indispensables sont connues : accès à l’information, garanties des conditions matérielles permettant de se rendre aux urnes, sécurité du scrutin à chaque étape, voies de recours, etc. Des concepts « peu opérationnels ». L’approche par les capabilités d’Amartya Sen est innovante dans la mesure où elle a permis de remettre l’individu au centre des préoccupations dans la réflexion sur la démocratie. Offrant une vision plus complète et nuancée du développement humain, elle a notamment inspiré des initiatives comme la création de l’Indice de Développement Humain (IDH) utilisé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Les critiques portent principalement sur la complexité de l’approche en raison du caractère protéiforme des capabilités et des difficultés pratiques pour les mesurer de manière précise et cohérente. En absence d’une liste établie des « capabilités de base », identifier quelles capabilités seraient plus importantes que d’autres ne peut éviter l’écueil de la subjectivité, d’autant que l’objet de l’étude varie selon les contextes culturels et individuels. À cela s’ajoute une praticabilité sujette à caution, dans la mesure où la mise en œuvre de politiques basées sur cette approche nécessiterait des ressources considérables en termes d’administration des programmes, de coordination intersectorielle, voire de simple compréhension des contextes locaux. D’aucuns ont pu discuter le caractère opérationnel des concepts développés par Amartya Sen pour analyser et évaluer les problèmes de développement dans les différents pays et régions, encore moins pour suggérer des politiques publiques. Il n’en reste pas moins qu’en dépit de ces réserves, l’approche par les capabilités reste une contribution majeure aux débats sur le développement humain et les politiques sociales.  Alain Rasendra. (Pour Diapason, Mars 2025). Rédaction – Diapason.

Des « capabilités » pour ne pas confiner la démocratie aux mécanismes institutionnels

Abstract Cet article explore la notion de démocratie au-delà des simples mécanismes institutionnels, en s’appuyant sur les réflexions d’Amartya Sen et son concept de « capabilités ». À travers une analyse critique des différentes conceptions de la démocratie, il souligne l’importance de garantir aux citoyens non seulement des droits politiques formels, mais aussi les moyens réels d’exercer ces droits. L’approche par les capabilités met en lumière le lien entre participation politique, justice sociale et développement humain, tout en soulignant les défis de mise en œuvre de cette vision. Malgré les critiques sur l’opérationnalisation des capabilités, cet article défend leur pertinence pour enrichir les débats sur la démocratie et les politiques publiques à Madagascar et ailleurs. Télécharger l’article :  Ici 🗞 Lecture de l’article 6 minutes et 16secondes Des « capabilités » pour ne pas confiner la démocratie aux mécanismes institutionnels. La conférence sur le thème : « Où en sommes-nous de la démocratie à Madagascar ? » nous aura permis de circonscrire le concept au travers de deux courants d’opinions, antithétiques, qui dominent les échanges (Pr Jean-Fabien Spitz) : une large majorité reconnaît à la démocratie, expression de la volonté collective, une souveraineté par nature, que lui refusent les tenants de la conception dite substantielle, qui y voient, au contraire, « quelque chose de très dangereux » dont l’expression doit être contrôlée si on veut lui conférer quelque légitimité. Bref, on a affaire à une notion tellement « élastique » que la plupart des dirigeants se réclament de la démocratie sans craindre d’être taxés de démagogues. Les études ont montré qu’une définition littérale, formelle, de la démocratie ne saurait suffire d’autant qu’elle peut être mise en œuvre de différentes manières selon les pays, les cultures et les périodes historiques. Il existe donc plusieurs types de démocraties : directes, indirectes, représentatives, participatives, etc., à des degrés divers qui plus est. Ajoutons qu’au-delà des voies d’exercice du pouvoir proprement dites, une démocratie fonctionnelle repose sur des principes fondateurs censés permettre de garantir aux citoyens – qui concourent à l’expression de la volonté collective – la capacité de disposer de conditions de vie dignes et de droits fondamentaux, parmi lesquels figurent en bonne place l’expression des opinions politiques et la participation aux élections. Amartya Sen fait appel à d’autres critères d’appréciation. Les choses ne sont pas aussi simples pour autant, à en croire notamment l’économiste indien Amartya Sen, qui pousse la réflexion à un autre niveau en conjuguant développement et philosophie politique pour ne pas cantonner la démocratie aux simples mécanismes institutionnels. Les décisions politiques ou économiques, prises au niveau collectif, découlant foncièrement d’un arbitrage imparfait entre les besoins exprimés, Amartya Sen estime que les inégalités entre les individus ne s’apprécient pas au regard de leurs seules dotations en ressources mais de leurs capacités à les convertir en libertés réelles, ce qu’il appelle les « capabilités ». Sa théorie défend « la possibilité pour les individus de faire des choix parmi les biens qu’ils jugent estimables et de les atteindre effectivement ». De faire des choix et de le faire savoir. Il s’agit de capacités élémentaires : opportunités et moyens réels dont dispose une personne pour atteindre ses objectifs et aspirations, libertés substantielles telles que la faculté d’échapper à la famine, à la malnutrition, à la morbidité évitable et à la mortalité prématurée, aussi bien que les libertés qui découlent de l’alphabétisation, de la participation politique ouverte, de la libre expression, etc. La participation politique, qui inclut le droit de vote, figure au rang des capabilités fondamentales en ce qu’elle permet aux individus d’influencer les décisions qui affectent leur vie, contribuant ainsi, dans une sorte de relation circulaire, à favoriser la réalisation d’autres capabilités. Mais, pour que le droit de vote soit une capabilité réelle – un choix éclairé – les individus doivent être informés et éduqués sur les questions politiques et sociales. La cohérence est pertinente : dès lors que, par leur vote, les électeurs peuvent influencer la formation de politiques publiques qui affectent directement leur bien-être (éducation, santé, logement, emploi, etc.), cela peut mener à des améliorations dans les capabilités individuelles et collectives. À supposer, bien entendu, que les organisateurs des consultations aient véritablement ce genre de préoccupations en tête. Les mesures d’accompagnement indispensables sont connues : accès à l’information, garanties des conditions matérielles permettant de se rendre aux urnes, sécurité du scrutin à chaque étape, voies de recours, etc. Des concepts « peu opérationnels ». L’approche par les capabilités d’Amartya Sen est innovante dans la mesure où elle a permis de remettre l’individu au centre des préoccupations dans la réflexion sur la démocratie. Offrant une vision plus complète et nuancée du développement humain, elle a notamment inspiré des initiatives comme la création de l’Indice de Développement Humain (IDH) utilisé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Les critiques portent principalement sur la complexité de l’approche en raison du caractère protéiforme des capabilités et des difficultés pratiques pour les mesurer de manière précise et cohérente. En absence d’une liste établie des « capabilités de base », identifier quelles capabilités seraient plus importantes que d’autres ne peut éviter l’écueil de la subjectivité, d’autant que l’objet de l’étude varie selon les contextes culturels et individuels. À cela s’ajoute une praticabilité sujette à caution, dans la mesure où la mise en œuvre de politiques basées sur cette approche nécessiterait des ressources considérables en termes d’administration des programmes, de coordination intersectorielle, voire de simple compréhension des contextes locaux. D’aucuns ont pu discuter le caractère opérationnel des concepts développés par Amartya Sen pour analyser et évaluer les problèmes de développement dans les différents pays et régions, encore moins pour suggérer des politiques publiques. Il n’en reste pas moins qu’en dépit de ces réserves, l’approche par les capabilités reste une contribution majeure aux débats sur le développement humain et les politiques sociales.  Alain Rasendra. (Pour Diapason, Mars 2025). Rédaction – Diapason.

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