Le droit du journalisme relatif au code de la communication

Environ 3 Minutes de lectureAbstract Réparer l’information pour sauver la démocratie malgache Dans un pays où la presse est à la fois miroir et matrice des dérives du pouvoir, repenser le journalisme devient un enjeu de survie démocratique. C’est le cœur du plaidoyer porté par Toavina Ralambomahay dans un article à la fois rigoureux et provocateur. Madagascar, explique-t-il, navigue à vue dans un désert médiatique miné par la précarité, la corruption et la confusion des rôles entre pouvoir, argent et information. Depuis plus de deux décennies, un nouveau Code de la communication est annoncé, sans jamais voir le jour. L’auteur y voit pourtant une opportunité majeure : celle de refonder un journalisme au service du citoyen, et non plus instrumentalisé par les puissants. Deux réformes concrètes et audacieuses sont proposées. La première : rendre l’actionnaire majoritaire d’un média responsable éditorialement, en le désignant comme directeur de publication. Derrière cette mesure se joue une idée simple : si l’on connaît le propriétaire d’un média, on comprend mieux ses orientations. Ce geste de transparence permettrait de limiter les manipulations, responsabiliser les élites et clarifier les débats. Dans un pays où les journalistes sont souvent mal formés, mal payés, et recrutés pour leur loyauté plus que leur compétence, cette réforme marquerait une rupture éthique majeure. La seconde : mettre en place une véritable Autorité indépendante des médias, dotée de quatre fonctions claires : surveiller les médias publics, encadrer la concentration, organiser la régulation numérique, et surtout, assurer le financement des médias d’opinion. Car oui, financer les voix minoritaires (ethniques, linguistiques, religieuses, de genre, etc.) est un impératif démocratique. Ce n’est pas un luxe, mais une condition de la pluralité. Le texte plaide aussi pour la dépénalisation du métier de journaliste – trop souvent pris comme bouc émissaire, et pour une nouvelle structuration de l’ordre des journalistes. Il invite les partis politiques à se réapproprier ces questions, et les citoyens à exiger plus de leurs élus. À travers cette vision, l’auteur ne se contente pas d’un diagnostic. Il trace une feuille de route pour une presse plus libre, plus responsable, plus diverse – une presse capable de contribuer à la reconstruction d’un espace public digne de ce nom. Au fond, cet article ne parle pas que de médias. Il parle de Madagascar, de son avenir politique, de sa capacité à sortir de la défiance et du désenchantement. Il rappelle que la liberté d’expression ne se décrète pas : elle s’organise, elle se finance, elle se protège. Et que sans elle, aucune démocratie ne tient debout. Plan de l’article Introduction générale Contexte de la réforme du code de la communication à Madagascar Objectifs : renforcer la responsabilité et protéger la démocratie Problématiques rencontrées dans le paysage médiatique malgache Manquements éthiques et déontologiques Pressions politiques, économiques et religieuses Censure, auto-censure, corruption et pauvreté du débat public Conditions de travail et précarité des journalistes Limites de l’étude Portée limitée au journalisme, sans approfondir l’édition ou l’impression Focalisation sur Madagascar en tant que terrain d’application Refus d’importer directement les modèles occidentaux sans adaptation locale Revue critique des sources Références nationales et internationales mobilisées Rôle des écrits de Lovamalala Randriatavy et des Agendas Friedrich Ebert Première recommandation : Identifier clairement le directeur de publication L’actionnaire majoritaire comme directeur de publication Transparence sur la ligne éditoriale et les propriétaires réels Impacts : lutte contre la manipulation, meilleure orientation du public Cas du co-directeur de publication En cas d’immunité du propriétaire (ex. président), désignation du deuxième actionnaire majoritaire Conséquences sur le recrutement et la clause de conscience Droit de quitter un média en cas de changement de ligne éditoriale Niveau académique des journalistes : pas de diplôme requis, mais devoir d’honnêteté intellectuelle Conditions de travail des journalistes Précarité généralisée, absence de reconnaissance statutaire Pratiques illégales d’embauche et classification floue (ouvrier/cadre) Information en ligne et journalisme citoyen Application des mêmes principes de responsabilité Cas des bloggeurs anonymes : responsabilité individuelle Deuxième recommandation : Autorité des médias et pluralité d’opinions Fusion et simplification des instances de régulation Structure : 4 sous-entités (radio/télévision, concentration, régulation, financement) Modalités de désignation des membres de l’Autorité Risques liés à la cacophonie ou à la domination idéologique Importance de l’implication des partis politiques et de la société civile Encadrement de la concentration des médias et des participations étrangères Limites sur la détention de parts et droits de vote Modèle inspiré de la France et Maurice Financement public des médias d’opinion Soutien à la pluralité via des aides financières équitables Redistribution des budgets publics de communication Résistances potentielles et conditions de mise en œuvre Risques d’opposition des actionnaires majoritaires Nécessité d’un relais politique pour faire adopter les réformes Rôle renouvelé de l’Ordre des journalistes Organisation des professions, émission régulière sur les lignes éditoriales Transparence des positions sociétales de chaque média Conclusion La démocratie est au cœur du débat, pas seulement le sort des journalistes Nécessité de repolitiser le débat public pour refonder un journalisme éthique et crédible Toavina Ralambomahay Lire l’article en PDF : Ici 📰
La peur de la rétaliation

Environ 5 Minutes de lecture Diapason est un « think tank » qui veut poser des questions, nourrir le débat, valoriser les initiatives et favoriser l’innovation socio-économique et politique pour le développement de Madagascar. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du think tank. Nos valeurs Boussole / Cap Indépendance politique Multiculturel Vision à long terme Trait d’union entre savoir et pouvoir Éducation Recul nécessaire Liberté d’action Disruptif Bonne lecture ! Dans des contextes institutionnels fragiles comme celui de Madagascar, la peur de la rétaliation constitue un facteur structurant des pratiques professionnelles, en particulier dans les domaines techniques, administratifs ou artistiques. Elle ne relève pas d’une perception individuelle isolée, mais d’un phénomène systémique, alimenté par des rapports de pouvoir opaques, des réseaux d’allégeance informels, et un climat de défiance généralisée. Elle s’exprime dans le silence contraint, la prudence de façade, l’autocensure intériorisée. Cette réalité s’est cristallisée chez moi de manière aiguë à la suite d’un évènement où, dans un moment de désaccord dans un groupement, j’ai tenu des propos critiques à l’égard de la gouvernance en charge, dénonçant une forme de complaisance et d’incompétence. L’épisode aurait pu rester anecdotique, mais il a ouvert un cycle de tensions et de repositionnements. J’avais en effet déjà pratiqué et évolué dans la discrétion loin de ce groupe depuis plusieurs années. Ma sortie du silence aurait pu être le déclenchement d’une énième croisade. Mais ce moment a agi comme un révélateur : celui d’un choix latent entre deux postures. Continuer à faire la Don Quichotte, à lutter frontalement contre les vents contraires, posture noble mais usante. Ou bien assumer une forme de recentrage, de « misitaka (retrait volontaire, repli stratégique), motivé non par la peur, mais par la nécessité de préserver un équilibre mental, professionnel et éthique. Cette décision, loin d’être un renoncement, m’a permis d’agir différemment, avec discernement, en dehors des lieux d’exposition immédiats. Durant tout un trimestre, cette tension m’a poussée à m’interroger sur les fondements mêmes de ces dynamiques sociales : pourquoi l’isolement survient-il précisément quand la parole devient claire ? Pourquoi les alliances se délient-elles lorsqu’on s’attend à du soutien ? Et pourquoi l’engagement semble-t-il toujours devoir se payer, même symboliquement ? L’exercice de la pensée m’a amenée, par un cheminement presque logique – voire algorithmique – vers les théories décoloniales. L’IA elle-même, consultée pour clarifier ces mécanismes, m’a orientée sans détour vers Fanon, Dussel, Cabral, et d’autres voix critiques du Sud global. Une ironie bien contemporaine. Après le Sommet de la COI, qui s’est tenue dans une région occidentale de l’Océan Indien – façonnée par des héritages très francophones -, il semble d’autant plus nécessaire de suspendre l’agitation, de prendre du recul, et de réfléchir à nos états d’âme avant de repeindre les façades sur des tons jaunâtres proche du tsokoko. Car sans ce travail souterrain, sans cette lucidité sur ce que nous traversons collectivement, toute stratégie n’est que replâtrage. Cette dynamique s’est accentuée après mon abrogation il y a maintenant 4 ans. Ça aurait été pire mais c’était assez dégeu tout de même : harcèlement insidieux, mise à l’écart, soupçons orchestrés, diffamation. Très rapidement, la dissonance s’est traduite par une forme d’invisibilisation puis d’isolement, y compris parmi les cercles supposés alliés. Certains, bien qu’en accord sur le fond, ont préféré s’éloigner, mus par la peur de compromettre leur propre avenir professionnel. Ces réactions ont révélé à quel point l’engagement sans filet reste une posture coûteuse, même (et surtout) dans les espaces où l’on pensait bénéficier d’un soutien. La perte de statut formel s’accompagne alors d’un glissement vers une zone d’exposition accrue, où les mécanismes de disqualification se déploient à bas bruit. Ce type de trajectoire résonne fortement avec la pensée de Frantz Fanon, notamment dans Les Damnés de la Terre, où il décrit les effets persistants de la violence symbolique dans les sociétés post-coloniales. Fanon insiste sur la manière dont les structures de domination se perpétuent au sein même des élites locales, et sur la charge psychique imposée à celles et ceux qui refusent de s’y conformer. Il note avec acuité : « L’intellectuel colonisé apprend à marcher dans les mots de l’autre, à se méfier de sa propre voix. » Dans de tels contextes, certains sachants choisissent un repositionnement discret, sans pour autant se désengager. Ce détachement actif rappelle la leçon de la Bhagavad Gita : “Tu as droit à l’action, mais non à ses fruits.” Le recentrage sur l’éthique du travail, sans quête de reconnaissance immédiate, devient une manière de préserver l’essentiel. Le Dao De Jing de Laozi éclaire aussi cette posture : “Celui qui sait ne parle pas ; celui qui parle ne sait pas.” Une sagesse qui suggère que le silence peut aussi être stratégie. On m’a souvent parlée de « devoir de réserve » lorsque les désenchantés se sont mis à bâtir un Colisée romain dans l’enceinte du Rova en haut. Soit. Réservez-vous. Moi je parle. Mais ce retrait, s’il se pérennise, peut ouvrir la voie à une forme de résignation généralisée. Enrique Dussel, dans son Éthique de la libération, souligne que dans les contextes post-coloniaux, l’éthique implique de répondre à l’appel des opprimés, même si cette réponse met en jeu notre propre sécurité. L’autoprotection ne saurait devenir l’horizon unique de la pratique professionnelle. C’est là qu’intervient de manière essentielle la pensée d’Amílcar Cabral, qui propose une lecture plus collective de l’engagement. Contrairement à Fanon, dont l’analyse est parfois davantage centrée sur le trauma individuel et la violence cathartique, Cabral met l’accent sur la reconstruction politique et culturelle à travers un engagement patient, enraciné, structuré. Il évoque la nécessité pour les élites d’accomplir un suicide de classe, c’est-à-dire de rompre volontairement avec les privilèges hérités pour rejoindre les luttes du peuple, au nom d’un projet de souveraineté véritable : “Personne ne peut libérer autrui ; on se libère en agissant avec les autres.” Résonances malgaches : entre Hasina, Fahendrena et Tolona (ceci n’est pas innocent. Je tenais à approfondir mes réflexions entre ce qui rendait nos 29
L’attaque de la pensée critique : Comment le régime sabote l’Intelligence collective à Madagascar

Environ 1 Minutes de lecture Diapason est un « think tank » qui veut poser des questions, nourrir le débat, valoriser les initiatives et favoriser l’innovation socio-économique et politique pour le développement de Madagascar. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du think tank. Nos valeurs Boussole / Cap Indépendance politique Multiculturel Vision à long terme Trait d’union entre savoir et pouvoir Éducation Recul nécessaire Liberté d’action Disruptif Bonne lecture ! Sous l’égide du régime actuel, les normes universelles, les valeurs fondamentales et la rationalité sont de plus en plus assiégées, menacées par une propagande populiste et une idéologie identitaire. Cette stratégie délibérée vise à affaiblir la pensée critique, fracturer la société malgache et instaurer un régime où les rapports de force l’emportent sur la raison et le droit. La réduction de l’espace intellectuel à un domaine centré sur l’ego constitue un mécanisme clé de cette subversion. L’égocentrisme, habilement exploité par le Président actuel, s’est transformé en un instrument politique redoutable pour anéantir l’intelligence collective. Sa communication, souvent centrée sur lui-même, dépeint une vision dégradante du Malgache, persuadé que sa gouvernance ne peut reposer que sur des individus privés de leur esprit critique. Ce phénomène touche aussi certaines figures de l’opposition, contribuant à la dégradation inquiétante du débat public. Ce dernier se réduit ainsi à des luttes de clans et des ressentiments personnels, fragilisant notre fragile démocratie face aux manipulations orchestrées par le pouvoir. Le développement devrait signifier progrès intellectuel, adoption de normes sociales élevées et éthique. Pourtant, les propagandes populistes actuelles reposent sur une logique où seule la force prime, où le droit est bafoué, et où la vérité devient un outil de manipulation sans fin. Cette dérive entraîne une division profonde de la société malgache, fragmentant la réalité et rendant toute action collective rationnelle presque impossible. Face à cette offensive insidieuse, la riposte doit se concentrer sur l’éducation et la culture. L’égocentrisme ronge l’intelligence autant que l’inculture. Le meilleur antidote réside dans une éducation qui valorise la pensée critique, apprend à discerner les manipulations et rend à la vérité toute sa dignité. Cette démarche doit se déployer aussi bien au sein des institutions que sur la scène politique. Si les Malgaches parviennent à s’unir autour d’une vision claire des enjeux du changement, le courage d’agir émergera naturellement. Toutefois, cela nécessite des citoyens libres, éclairés et responsables, ainsi que des politiciens déterminés à établir des normes pour une coexistence pacifique et un progrès commun. Ainsi, l’intelligence collective de Madagascar est sous pression, mais le réveil des consciences reste possible. Seule une population instruite et engagée, capable de contester les discours dominants et d’affirmer ses droits, pourra restaurer la pensée critique et bâtir une société résiliente et démocratique. L’avenir de Madagascar dépend de notre capacité à résister à cette attaque insidieuse et à revendiquer notre droit à la vérité et à une gouvernance éclairée. Zaza Ramandimbiarison Télécharger l’article : Ici 🗞
L’iceberg inversé : ce que le monde voit, ce que le Malgache ignore

Environ 6 Minutes de lecture« Tant que les Malgaches regarderont la pauvreté comme une fatalité plutôt que comme un mal profond guérissable, ils ne verront jamais ce qu’ils possèdent. » L’économie invisible : ce que Madagascar donne au monde Derrière l’image d’un pays classé parmi les plus pauvres de la planète, Madagascar alimente silencieusement la machine du monde : Ses terres rares entrent dans la fabrication de batteries pour voitures électriques, Son cobalt est indispensable à l’électronique, Son textile, cousu dans des zones franches soustraites au droit commun, habille les vitrines d’Europe, Ses call centers assurent, à bas coût, le service client de grandes plateformes françaises, Son bois de rose parfume les intérieurs huppés de Shanghai. Mais ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. La vanille, les crevettes, les saphirs, les gènes de plantes tropicales, le thon, les gisements de gaz offshore, les potentiels en hydrocarbures… Tout indique que Madagascar est un écosystème de production intense, stratégiquement localisé, géologiquement béni, mais politiquement démobilisé. Le pays dispose de plus de 5 000 km de côtes et d’un important potentiel halieutique, comme l’indiquent plusieurs analyses sectorielles relayées par la presse spécialisée, bien que peu mises en avant dans les rapports économiques classiques. Madagascar ne fournit pas seulement des matières premières. Il offre de la valeur ajoutée humaine. Des milliers de jeunes diplômés opèrent dans les coulisses du numérique pour des entreprises françaises, belges ou canadiennes. Le développement du secteur BPO (Business Process Outsourcing) est l’un des plus dynamiques du continent. Pourtant, il est presque invisible dans les discours nationaux. Ce que les Malgaches voient : une société bloquée Pendant ce temps, à quelques kilomètres des mines et des zones franches, les Malgaches se battent pour un kilo de riz. Le pays est obsédé par des mots comme : corruption, gouvernance, ethnies, Faire Nation, pauvreté. Ces termes reviennent comme des mantras dans les campagnes électorales, les sermons religieux, les discussions de taxi-be. Ils traduisent moins une analyse qu’une lassitude. Un mur invisible s’est bâti entre la valeur réelle du pays et la perception que son peuple en a. Les articles de Diapason (L’économie fantôme d’une nation spoliée[1], Cartographie économique des communautés[2], Comprendre la situation énergétique de Madagascar[3]) le montrent très clairement : le pays produit, mais ne redistribue pas. Et surtout, le pays produit, sans que sa population ne sache à quel point elle produit. À force d’entendre qu’elle est pauvre, la population finit par ne plus voir que la pénurie. La pauvreté est devenue une identité, non une condition modifiable. Les rapports internationaux qui classent Madagascar parmi les derniers en termes de développement humain sont diffusés sans pédagogie, sans mise en lien avec les capacités réelles du pays. Une Nation qui ne connaît pas sa richesse se condamne à accepter son appauvrissement. Une construction sociale de l’invisibilité Comment en est-on arrivé à ce que la population d’un pays riche en ressources se perçoive comme fondamentalement pauvre ? La réponse n’est pas conjoncturelle, elle est systémique. Tout concourt à maintenir l’opacité : Manque d’éducation structurante : l’école ne prépare pas à comprendre l’économie ou à analyser le pouvoir. Elle forme des individus obéissants, dépolitisés, ou tentés par la fuite. L’enseignement professionnel, déconnecté du tissu économique local, peine à intégrer les jeunes dans les chaînes de valeur modernes. Absence d’infrastructures : une route effondrée est aussi une idée qui ne circule pas. Sans routes, sans électricité, sans accès à Internet, les citoyens ne voient ni les lieux de richesse, ni leurs circuits de captation. 80 % des Malgaches vivent sans électricité régulière, et moins de 15 % des communes rurales sont connectées au réseau national. Saturation de la survie : quand 90 % de la population vit au 1er étage de la pyramide de Maslow, l’idée même de souveraineté ou de redistribution paraît abstraite. L’urgence du repas quotidien rend illisible la capture des ressources par une minorité. Ainsi, tout est conçu pour que : L’on se batte contre la corruption sans voir ceux qui profitent du système Comme ces opérateurs qui obtiennent des contrats miniers sans appel d’offres[4], Ces entreprises exonérées pendant 15 à 20 ans sans contrepartie sociale[5], Ces plateformes d’exportation qui échappent au contrôle douanier tout en utilisant les routes construites par l’État (cf. rapports TI-MG sur la gestion logistique). L’on réclame de l’aide sans jamais revendiquer des comptes Par exemple, les contrats d’aide budgétaire signés sans débat parlementaire, Les dons humanitaires vantés dans les médias alors qu’ils masquent l’inaction structurelle, Les financements internationaux conditionnés à des réformes qui ne font qu’accentuer la dépendance, Le financement reçu pour des routes qui ne voient jamais le jour. L’on parle de pauvreté (partie visible) sans jamais parler de richesses (partie invisible) Comme le fait que le nickel d’Ambatovy est exporté sans transformation locale significative, Les pierres précieuses partent brutes vers l’Asie, Les zones franches textiles produisent pour de grandes marques sans que les salaires locaux dépassent 100 dollars par mois, Les sociétés pétrolières détiennent des blocs d’exploration sans jamais rendre compte publiquement de leur présence. Une pauvreté organisée, alimentée de l’intérieur Les choix politiques n’expliquent pas tout, mais ils catalysent l’appauvrissement. L’état malgache entretient une relation ambiguë avec sa propre population. Il ne la voit ni comme une priorité, ni comme une ressource. Il la gère. Il l’endigue. Il la mobilise ponctuellement en période électorale, mais ne l’équipe pas pour comprendre ou transformer son environnement. À se demander s’il ne fait pas tout pour que cette situation perdure… L’article Madagascar – Entre rêves démocratiques et concentration croissante du pouvoir[6] revient sur cette ambivalence : le pouvoir sait. Il sait où sont les ressources. Il sait qui les accapare. Mais il ne dit rien. Il renforce même l’opacité par la complexification des lois minières, des exonérations fiscales, des zones franches peu encadrées. On y apprend, par exemple, que certaines zones franches bénéficient d’exonérations fiscales de plus de 15 ans, sans obligation de transfert de compétence, de réinvestissement d’une partie des bénéfices ainsi dégagés ou de création de valeur locale. Le financement public est
Cartographie économique des communautés : une Nation, des visages….

Environ 9 Minutes de lectureDans un pays où le visible et l’invisible cohabitent en permanence, Madagascar est aussi un théâtre discret de grandes recompositions. Si l’on s’attarde trop sur la surface – élections, discours officiels, conflits politiques – on en oublie ce qui se joue en profondeur : les forces motrices qui façonnent réellement la nation. Et parmi elles, il est une évidence que peu osent dire : le pays est travaillé par des dynamiques communautaires et ethniques puissantes, à commencer par la place qu’y occupent certaines minorités, malgaches et étrangères. Des peuples d’ici : le socle ethnoculturel malgache Commençons par les faits. Madagascar est une mosaïque de peuples. Les ethnies dites « originaires » – Merina, Betsileo, Sakalava, Antandroy, Antaimoro, Vezo, Tsimihety, Sihanaka… Ils sont les fils et filles de l’île. Leurs traditions, leurs langues, leurs structures sociales ont forgé l’ossature identitaire de Madagascar. Les Merina, historiquement dominants sur les Hautes Terres, continuent de peser dans les sphères administratives et intellectuelles. Les Betsileo s’illustrent dans l’agriculture et le textile. Les Sakalava dominent l’ouest avec leur force pastorale et commerciale. Les Antandroy, robustes du Sud, incarnent la résilience des peuples en marge. Ensemble, ces groupes forment l’immense majorité des plus de 30 millions de Malgaches. À côté de ces grandes ethnies historiques se trouvent des communautés étrangères installées depuis longtemps, qui, sans être toujours visibles politiquement, dominent silencieusement entre autres, les leviers économiques du pays. Les Chinois : une présence économique massive mais discrète On les appelle, en malgache, les Sinoa Gasy (littéralement « Chinois malgaches ») : ce sont ces métis issus, pour beaucoup, de familles cantonaises contraintes à se déplacer plus à l’ouest tandis que l’immigration chinoise hakka s’établissait (dès le XIXe siècle, voire avant) sur les îles de la Réunion et de Maurice. La Chine est aussi aujourd’hui un partenaire économique incontournable pour Madagascar. Présente dans les infrastructures (routes, stades, bâtiments publics), l’exploitation minière (notamment à Soalala, Ambatovy via des joint-ventures), le BTP et le commerce de gros, elle fournit également une grande partie des produits de consommation importés. Peu visible médiatiquement, la Chine mise sur des relations bilatérales directes, des dons symboliques (hôpitaux, écoles) et des prêts à taux préférentiels. Elle agit rapidement et sans condition politique apparente, ce qui séduit une partie de la classe dirigeante. Malgré les bénéfices visibles, une partie de la population et des acteurs économiques s’inquiètent d’une « colonisation économique silencieuse » : concurrence déloyale, opacité des marchés publics, gestion des ressources naturelles sans retombées locales claires. La Chine, tout en restant discrète, accroît son influence au fil des décennies. Les Français : une influence historique encore bien présente Les français, communément appelés les Vazaha, restent des acteurs majeurs à Madagascar, héritage de l’époque coloniale. En 2023, La France était le 2ᵉ client du pays et le 4ᵉ investisseur étranger, avec une présence forte dans les secteurs de l’énergie, des télécommunications et de la banque. Plus de 65 entreprises françaises opèrent sur l’île, dont 9 du CAC 40[1]. Des accords récents renforcent les liens, notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie (barrage de Volobe) et de la culture (restitution d’objets historiques). L’aide publique française dépasse 60 millions d’euros par an. La France est perçue avec ambivalence, notamment à cause de son rôle lors de crises politiques passées ou du contentieux sur les îles Éparses. Si l’influence reste forte, elle est désormais concurrencée par d’autres puissances comme la Chine ou le Japon. Les indo-pakistanais : un capitalisme impactant La plus connue – et la plus influente économiquement – est sans doute celle des Karana (Indo-pakistanais), originaires du sous-continent indien. Arrivés au fil des siècles – souvent comme commerçants pendant la colonisation – ils ont bâti, pierre après pierre, des empires économiques. Prenons un fait brut : les Karana (principalement gujaratie et ismaélienne) au tournant du XXe siècle, représentent moins de 0,2 % de la population. Pourtant, leur poids économique est démesuré. Axian, Jovenna, Socota, Habibo, First Immo, Telma, Basan, Galana… Ces noms scandent l’économie malgache contemporaine comme autant de piliers. Ils contrôlent des pans entiers du commerce, de la finance, de l’énergie, de l’immobilier, du textile, des médias, et plus récemment de la technologie. Au commencement, pourtant, il n’y avait que la quincaillerie. Les Karana ont investi les centres-villes avec des boutiques d’ustensiles, puis les bazars, puis les entrepôts. Patiemment. Stratégiquement. Ils ont vendu des PPN (produits de première nécessité), puis des voitures, puis des centrales solaires. Ils ont compris ce qu’est souvent l’économie : un art de la patience couplé à un instinct de conquête. Mais qui représente Madagascar à l’international ? La question semble saugrenue, presque absurde. Et pourtant elle brûle. Lorsqu’on demande à un Africain francophone de citer les représentants économiques de Madagascar, il y a fort à parier qu’il évoquera… un Karana. Hassanein Hiridjee (Axian), Salim Ismael (Jovenna), Zouzar Bouka (First Immo), Hasnaine Yavarhoussen (Filatex), Ylias Akbaraly Redland Company Holding)[2], ou encore les groupes industriels du Nord-Ouest. Ils sont ceux qui parlent à Dubaï, qui négocient à Paris, qui se présentent à Kigali. Alors, posons-la franchement : qui porte l’image économique de Madagascar sur la scène internationale ? L’État ? Les ethnies majoritaires ? Les diasporas ? Ou une poignée de familles issues d’une minorité historique mais devenue incontournable ? L’image de Madagascar représentée par le capitalisme indo-pakistanais ? Depuis quelques années, le nom de Madagascar apparaît dans Forbes Afrique[3], non pas pour son cacao ou ses politiques publiques, mais pour ses entrepreneurs. Certains y figurent régulièrement. La presse économique internationale met en avant ses groupes les plus dynamiques, souvent dirigés par cette minorité. Ylias Akbaraly, Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen figurent parmi les hommes les plus riches d’Afrique francophone. Le malaise s’installe. Car en devenant les figures visibles de la « réussite malgache », ces entrepreneurs – dont la communauté reste isolée culturellement – deviennent, bon gré mal gré, les représentants symboliques d’un pays en difficulté. La représentation s’inverse : les majoritaires deviennent invisibles, les minoritaires deviennent l’image du salut. Ce n’est pas un complot. C’est un fait social. Un phénomène anthropologique. Et il interroge. Des secteurs
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Environ <1 Minutes de lecture
Îles éparses : entre diplomatie de façade et grandes manœuvres géostratégiques

Environ 8 Minutes de lectureIntroduction Par-delà les sourires affichés lors des sommets de la Commission de l’océan Indien, une réalité plus brutale se dessine dans les eaux chaudes du canal du Mozambique. L’affaire des Îles Éparses, ces quelques confettis marins revendiqués par Madagascar, révèle les profondes lignes de fracture d’une géopolitique postcoloniale où la France s’efforce de maintenir une présence décisive. Il ne s’agit pas simplement de biodiversité, de coopération environnementale ou de respect de l’Histoire. Il s’agit d’une bataille pour le contrôle d’une route énergétique mondiale et pour l’exploitation de ressources naturelles titanesques. Derrière l’invocation de principes universels, la France poursuit une stratégie froide : sécuriser ce qui peut encore l’être dans un monde qui se réorganise sans elle. Un enjeu vital pour la France En contrôlant les Îles Éparses (Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India, Europa, Tromelin), la France verrouille en réalité le canal du Mozambique, passage stratégique où transite près de 30 % du pétrole mondial[1]. Chaque année, 5 000 navires empruntent ce corridor, dont 14 tankers par jour. Le volume qui y circule – 700 millions de tonnes de brut par an – représente une artère vitale du commerce énergétique mondial[2]. Au-delà du trafic maritime, la région est une mine inestimable : 12 milliards de barils de pétrole et 5 000 milliards de mètres cubes de gaz potentiellement exploitables. Total Énergies est déjà implanté au Mozambique, mais d’autres acteurs majeurs sont également présents, tels que Eni (Italie), ExxonMobil (États-Unis), CNPC et (Chine), Sasol (Afrique du Sud) et Galp Energia (Portugal)[3]. Cette concentration de ressources explique pourquoi la France, isolée en Afrique et fragilisée par la montée de puissances alternatives, ne peut pas se permettre de lâcher prise. Les « nuages de fumée » : quand la diversion devient méthode Face à la revendication malgache, la diplomatie française a ressorti un arsenal de tactiques éprouvées. Restitution de crânes de résistants malgaches[4] Les crânes des combattants de l’insurrection de 1947, conservés au Muséum national d’Histoire naturelle, ont été restitués à Madagascar dans un geste symbolique, fort émotionnellement, mais masquant les vrais débats de souveraineté. Création de réserves naturelles La mise en réserve de Juan de Nova sous prétexte de protection environnementale vise à figer de facto la souveraineté française, sans que Madagascar ne bénéficie des recherches scientifiques qui en découlent. Discours sur la pauvreté La rhétorique française, condescendante, laisse entendre que Madagascar doit d’abord « apprendre à se gérer » avant de revendiquer la gestion de ses territoires. Une approche maladroite qui nourrit humiliation et rancœur. Proposition de cogestion La proposition avancée par Emmanuel Macron reflète en réalité un recul stratégique : la pression exercée par Madagascar, conjuguée au climat de contestation anti-française en Afrique, pousse la France à adopter une position plus souple pour éviter de braquer davantage les opinions africaines. L’histoire se répète – L’Affaire Tromelin (France – Maurice) Une tentative de cogestion sans aboutissement Contexte Tromelin est une île de 1 km² dans l’océan Indien, située à l’est de Madagascar. Elle est revendiquée par l’île Maurice, mais administrée par la France depuis le 18ème siècle. Enjeu stratégique : ZEE de 280 000 km², intérêt halieutique et environnemental. Étapes clés > 2005-2010 : négociation d’un accord La France et Maurice engagent des discussions pour sortir de l’impasse. Accord signé en 2010 à Port-Louis : cogestion scientifique, environnementale, halieutique. L’accord ne touche pas à la souveraineté, qui reste française. 2013 : blocage politique en France L’accord est présenté à l’Assemblée nationale française pour ratification. Forte opposition à droite comme à gauche : crainte de « brader » la souveraineté. 2017 : retrait de l’ordre du jour Sous pression, le gouvernement retire le texte du calendrier parlementaire. L’accord reste non ratifié à ce jour. Depuis 2017 : gel diplomatique Maurice maintient sa revendication. La France gèle le dossier. Plus aucune initiative concrète depuis. Raisons de l’échec Opposition interne française : souveraineté jugée non négociable. Complexité administrative : toute cogestion nécessite une ratification parlementaire. Temps long des procédures : discussions sans effet depuis plus de 14 ans. Méthode de diversion ? : pour certains analystes, la cogestion est une stratégie dilatoire. Enseignements pour les îles Éparses Point comparatif Tromelin (2010) Îles Éparses (2019–2025) Acteurs France – Maurice France – Madagascar Protocole Accord signé Commission mixte proposée Souveraineté Maintenue par la France Maintenue par la France Objectif Cogestion scientifique & halieutique Idem + coopération environnementale Ratification Jamais obtenue Encore à venir (prévue à Paris en juin 2025) Avancée réelle Aucune depuis 14 ans Très lente (1 réunion en 6 ans) Risque politique Fort au Parlement français Fort probable également Conclusion L’accord sur Tromelin montre que : La France utilise la cogestion comme outil diplomatique, mais refuse de toucher à la souveraineté. Les procédures internes françaises (Assemblée nationale) sont un frein important à toute ratification. Le temps joue en faveur de la France, qui gagne en stabilité stratégique pendant que le statu quo se maintient. La méthode appliquée à Madagascar pour les îles Éparses suit exactement le même scénario.Le parallèle est clair : même promesse de cogestion, même lenteur, même issue probable si une pression forte n’est pas exercée. Le canal du Mozambique : centre névralgique de la nouvelle hégémonie La position stratégique des îles offre à la France plusieurs avantages cumulés : Une ZEE élargie et exclusive → La Zone Économique Exclusive (ZEE) permet à la France d’exercer des droits souverains sur 200 milles nautiques autour de ses îles, garantissant l’accès exclusif à des ressources vitales[5] (pêche, pétrole, gaz, minéraux, etc.). Capacité de projection militaire régionale → Depuis Mayotte et La Réunion, la France maintient une présence militaire permanente, mais sans commune mesure avec celle des États-Unis et de leur base de Diego Garcia (louée de manière controversée par Maurice), capable de projeter des forces militaires sur trois continents. Repositionnement stratégique → Le cœur des enjeux géopolitiques mondiaux bascule progressivement du Pacifique vers l’océan Indien, zone désormais cruciale pour le transport énergétique, la rivalité commerciale et militaire. La France détient la 1ère plus grande
Madagascar, puissance discrète de la mondialisation

Environ 4 Minutes de lectureÀ peine croyables ces Malgaches… Je vous ai compris ! Ainsi parlerait un certain général au sortir de la 2nde guerre mondiale. Les chemises Lacoste portées sur les Champs-Élysées, les centres d’appels répondant aux clients de Qonto ou d’Orange, les batteries au nickel qui font vrombir les voitures électriques… Tous ont un point commun, mais essentiel : Madagascar. L’île rouge, ce bout de terre souvent réduit aux clichés de pauvreté et d’isolement, s’impose aujourd’hui comme une arrière-boutique stratégique de l’industrie mondiale. Ses mines, ses usines textiles et ses centres BPO alimentent les flux de la mondialisation. Mais derrière ces contributions, une question lancinante : pourquoi les Malgaches ne profitent-ils pas de cette formidable richesse ? Textile : des marques de luxe cousues sur l’île Des polos Petit Bateau aux jeans Levi’s, ce sont plus de 90 marques internationales qui font produire leurs collections à Madagascar[1]. France, Allemagne, Italie, Japon… toutes les grandes nations du textile y délocalisent leur confection. La qualité du savoir-faire malgache, la main-d’œuvre qualifiée, les coûts compétitifs et un cadre fiscal favorable attirent. Pourtant, le consommateur malgache n’a que peu accès à ces produits. Les articles quittent l’île pour être vendus à prix d’or à l’étranger, sans retombées substantielles pour l’économie locale. Pas de ruissellement, ni culturel, ni financier. Les ouvrières du textile restent payées au lance-pierre, et la balance commerciale reste déficitaire. Les unités de production, concentrées dans les zones franches, sont des enclaves où les règles internationales priment sur l’intérêt national. BPO : la voix malgache dans l’ombre du monde Plus d’une centaine d’entreprises de BPO (Business Process Outsourcing) sont aujourd’hui répertoriées à Madagascar[2]. On y gère les hotlines de Free, les services clients de Revolut, les demandes administratives d’Axa, ou encore le modérateur de contenus de Google. Le français châtié, la proximité horaire, la compétence technologique, tout concourt à faire de l’île une plateforme d’externalisation de choix pour les groupes européens. Mais la valeur ajoutée est captée à l’extérieur. Les contrats sont passés en devises, les dividendes rapatriés, les salaires indexés au SMIC local. Les jeunes générations, très compétentes, passent leur journée à résoudre les problèmes de consommateurs qu’ils n’ont jamais les moyens d’être eux-mêmes. Madagascar devient un cerveau auxiliaire de l’Occident, sans reconnaissance ni redistribution à la hauteur de son utilité. Les données concernant le classement des pays leaders dans le secteur de l’externalisation des processus métier (BPO) en 2023, notamment les revenus en milliards d’euros et leur part dans le PIB, proviennent de diverses sources. Voici le détail des informations disponibles : Rang Pays Revenus du BPO (Mds €) Part du PIB Source 1 Inde 200 ~8 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 2 Philippines 35 ~7 % ISO Standards 3 États-Unis 30 ~1 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 4 Pologne 25 ~3 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 5 Mexique 20 ~2 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 6 Malaisie 15 ~4 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 7 Brésil 12 ~1,5 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 8 Afrique du Sud 10 ~2 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 9 Égypte 8 ~1,8 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels 10 Madagascar 0,60 ~4,1 % Données estimées basées sur des rapports sectoriels Mines : le sous-sol, un trésor mal partagé Nickel, cobalt, ilménite, graphite, zircon, or… La liste est longue, les tonnages impressionnants. Selon les derniers chiffres, plus de 750 000 tonnes d’ilménite sortent annuellement de Fort-Dauphin via Rio Tinto. Ambatovy extrait 60 000 tonnes de nickel, pendant que le graphite part vers l’Asie pour alimenter les géants de la tech[3]. Ces ressources sont essentielles à la transition énergétique, à l’automobile, à l’informatique. Mais une fois encore, la manne s’évapore. Les contrats d’exploitation offrent peu de retour fiscal, les territoires miniers restent enclavés, les populations riveraines peu consultées. Le PIB ne décolle pas, les infrastructures n’émergent pas. L’Occident, dans sa frénésie décarbonée, repose en partie sur les terres rouges malgaches, mais la contrepartie est minimale. Une souveraineté à reconquérir Ce paradoxe malgache, celui d’un pays indispensable mais ignoré, pose une question cruciale : à quand une conscience économique nationale ? Au fond, ce pays est encore dans un vieux schéma de la colonisation du temps de Jules Ferry (1832-1893), père de l’école moderne française, qui a voulu que les populations des terres conquises par l’empire colonial français (1534-1980) cultivent un profond sentiment d’attachement et de fidélité à la France, et que leurs territoires servent de production de matières premières et de main d’œuvre bon marché en amont, et de déversoir de produits finis venant de la métropole ou d’ailleurs en aval, avec une fuite des capitaux acquis dans ce commerce inégal vers l’extérieur, grâce notamment à un système fiscal passoir matérialisé par les mesures dérogatoires des codes d’investissement et autres textes assimilés. Depuis 1964 et la création du premier Code des investissements, l’absence chronique de volonté politique a empêché toute stratégie d’appropriation nationale. Les dépenses fiscales, brandies comme leviers d’attractivité, se révèlent inefficaces sans vision souveraine. Le chemin à parcourir pour inverser la tendance est long et semé d’embûches. Pendant ce temps, les multinationales prospèrent en zones franches, sans que la population ne ressente le moindre ruissellement. Le pays continue de brader son potentiel, alors même que l’économie mondiale dépend de sa production. Les compétences sont là, les ressources aussi, la position géographique est stratégique. Ce qui manque, c’est cette fameuse volonté politique de transformer les flux en capital local et une volonté farouche de transformer un système qui ne bénéficie qu’à moins d’1% de la population. La confiance en soi La majorité des Malgaches, lassés par des décennies d’instabilité économique et politique, a fini par perdre confiance dans la promesse d’un avenir meilleur. Face à des chiffres qui évoquent richesse et savoir-faire, beaucoup peinent à y croire, tant leur quotidien contredit ces statistiques. Cette incrédulité est alimentée par des prédateurs financiers locaux et étrangers qui ont tout intérêt à dissimuler l’étendue de la production nationale : en gardant sous silence les flux économiques réels,
Webinaire – Faire Nation (Replay)

Environ <1 Minutes de lectureUn Désenchantement face au changement. Les Malgaches se sentent trahis par la politique et la corruption, l’idée de « Faire nation » apparaît comme un défi quasi insurmontable. Pourquoi serai-je solidaire d’un pays qui ne prend pas soin de ses citoyens, d’un pays qui recule alors qu’il n’a jamais connu de guerre ? Et pourtant, la plupart d’entre nous y pense, et en parle régulièrement autour d’un café ou lors d’un déjeuner. Concrètement, à la lecture des tendances actuelles, il est fort probable qu’aucun d’entre nous ne verra ce sujet se mettre en place car une Nation ne se décrète pas en un discours, en une année ou en une décennie. Il faut du temps, cependant, il faut bien commencer un jour… Pendant ce temps de réflexion, ce temps où l’on ne veut plus avoir à penser à ce pays, Madagascar avance en se craquelant comme un miroir que l’on vend par petit morceau. Malgré tout, il y a une minorité d’acteurs (entrepreneurs, penseurs, sociétés civiles, associations, religieux, artisans, étudiants, etc…) qui investissent dans ce pays au futur incertain. Nous avons échangé sur la possibilité, voire la nécessité, de reconstruire une nation unie malgré les obstacles du passé et le désespoir du présent. #Diapason_Think_Tank #Madagascar
La frontière est ténue entre communication persuasive et manipulation de masse

Environ 6 Minutes de lectureans l’univers extraverti de la com, les « 10 stratégies de manipulation de masse » font figure de référence, bien que le célèbre linguiste (américain) Noam Chomsky, dont l’œuvre a inspiré la liste, a nié avoir commis cette compilation[1]. On ne prête qu’aux riches, tant il est vrai que cet auteur, devenu le porte-étendard de l’esprit critique post marxiste, a su décortiquer les process de manipulation dont les élites usent – et abusent – pour asseoir leur pouvoir. En politique, comme en toute chose, la stratégie a recours à des mécanismes spécifiques, pensés pour parvenir aux résultats attendus. La manipulation de masse désigne l’ensemble des techniques utilisées pour influencer, de manière souvent dissimulée ou biaisée, les opinions et les comportements d’un grand nombre de personnes. Contrairement à une information honnête ou à une argumentation rationnelle, la manipulation cherche à orienter sans convaincre, en jouant sur les émotions, les peurs ou les réflexes cognitifs des individus. Le rôle crucial qu’elle joue dans la formation des opinions peut avoir des conséquences significatives sur le fonctionnement démocratique, plus particulièrement quand les médias sont sous contrôle, des pouvoirs publics comme des intérêts privés qui ont généralement pignon sur rue. Définition et origines historiques Quand on évoque la manipulation de masse, on pense immédiatement à Gustave Le Bon (1841-1931) qui avait développé des analyses sur le comportement des foules et leur susceptibilité à l’influence (Psychologie des foules, 1895)[2]. L’anthropologue explique les comportements irraisonnés des foules par le fait que des individus réunis ne raisonnent pas de la même manière que s’ils étaient seuls. Il établit qu’une foule est une entité psychologique particulière, irréductible aux individus qui la composent et qu’il faut, par conséquent, l’analyser comme telle. « Peu aptes au raisonnement, les foules sont au contraire très aptes à l’action », grâce à ce qu’il appelle l’« unité mentale des foules ». De même, au début du XXe siècle, Edward Bernays (1891-1995), considéré comme le père des relations publiques, développe des techniques de persuasion de masse en s’appuyant sur la psychologie et la psychanalyse. Il publie, en 1928, son bestseller Propaganda[3], dans lequel il affirme : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays ». Mécanismes Solomon Asch (1907-1996), pionnier de la psychologie sociale, a démontré la tendance des individus à aligner leurs opinions sur celles du groupe, même contre leur propre jugement. Au-delà de cet effet de conformisme, le process s’appuie également sur ce que les experts appellent des biais cognitifs, qui sont des mécanismes de pensée à l’origine d’une altération du jugement. On citera notamment le biais de confirmation (d’hypothèse), qui traduit une tendance naturelle chez les êtres humains à privilégier les informations qui confortent leurs préjugés et leurs convictions, ou encore l’effet Dunning-Kruger, mécanisme par lequel les personnes les moins qualifiées d’un groupe tendent à surestimer leur compétence, des individus en surconfiance, en somme, car « l’ignorance engendre la confiance en soi plus souvent que la connaissance » (Charles Darwin). Plus grave, les réseaux sociaux offrent une tribune où toutes les voix semblent avoir une valeur équivalente, phénomène qui est à l’origine d’une égalisation apparente entre experts et amateurs. Ainsi, une opinion non informée peut atteindre des millions de personnes en quelques heures, et les conséquences sont souvent irréversibles. « Les algorithmes des plateformes favorisent souvent les contenus polarisants ou émotionnels, qui captent davantage l’attention que les analyses nuancées »[4]. L’érosion du discernement collectif est une autre conséquence préoccupante dans la mesure où les affirmations non vérifiées finissent par être perçues comme des vérités quand elles sont répétées et partagées massivement[5]. Les stratégies de manipulation en politique Les études sur le sujet ont dégagé les principaux éléments pour distinguer la manipulation politique d’un simple effort de communication. Il y a, tout d’abord, l’asymétrie d’information, empruntée à l’économie et aux études de marché, qui est illustrée par le fait que les citoyens ne disposent pas, en règle générale, des outils pour décoder les intentions derrière un message, alors que, d’un autre côté, les politiques s’entourent de spécialistes du marketing, des données et de la communication. À rapprocher du recours à des figures d’autorité, ou à des « experts », pour légitimer un récit, quand bien même celui-ci serait partiel ou orienté. Le ciblage émotionnel figure également en bonne place dans la liste des outils utilisés : la peur, la colère ou l’espoir sont des leviers puissants. Un message qui fait vibrer la corde sensible a plus de chances d’être retenu, et relayé, qu’un raisonnement logique. Et, surtout, il y a la simplification du réel. Les discours manipulateurs tendent à réduire la complexité du monde à des oppositions binaires : eux vs. nous, le bien vs. le mal, le peuple vs. les élites, etc. Ces méthodes visent à produire une illusion de libre choix, alors que l’opinion est guidée à son insu par des mécanismes psychologiques et médiatiques soigneusement orchestrés. Il ne s’agit pas simplement de faire connaître un point de vue, mais de produire du consentement, voire de le simuler, notamment par la diffusion de messages simplifiés, par l’exclusion de certains discours contradictoires ou par la création d’un climat affectif favorable à une idéologie. À l’échelon au-dessus, vous avez la propagande (diffusion d’informations, vraies ou fausses) et la désinformation (diffusion délibérée de fausses informations pour tromper) érigées en com officielle, toujours dans le but d’influencer l’opinion publique. À l’ère du « full numérique », ces pratiques se manifestent par les « fake news » et autres « deepfakes » – fausses nouvelles lancées en connaissance de cause dans le champ médiatique. Il s’agit de productions, souvent à haute dose, émanant de petites mains utilisées dans les fermes à trolls. Madagascar n’est pas en reste dans ce domaine, loin s’en faut ! Contrôle des médias et instrumentalisation de la pauvreté Le rôle central des médias, servant tantôt d’outils de propagande, tantôt de vecteurs de désinformation, est apparu clairement lors de la crise majeure de janvier