Disco Afrika : Le film

Sudu Connexion est fière d’annoncer que le film malgache Disco Afrika : une histoire malgache, réalisé par Luck Razanajaona, sortira en France le 23 septembre 2025 🎬🇲🇬✨ 🔥 Déjà sélectionné dans 59 festivals internationaux et récompensé par 11 prix, ce film raconte l’histoire de Kwame, un jeune Malgache confronté à la dure réalité des mines de saphir, aux choix de vie et à la lutte contre la corruption. 🌍 Après une tournée en Europe et dans plusieurs pays africains, Disco Afrika arrive enfin en France. C’est bien plus qu’un film : c’est une voix pour une jeunesse en quête de liberté et de justice 💪🏾✊ 👉 Partageons et soutenons ce film qui fait rayonner Madagascar et l’Afrique sur la scène mondiale ! 🎥✨ https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=323312.html 📍23/09 : Luxy, Ivry sur seine – 20:30 📍24/09 : Espace St Michel, Paris à 20:00. 📍25/09 : Cin’Hoche, Bagnolet à 20:15 📍26/09 : Utopia Stella, St Ouen l’Aumône à 20:30. 🎯Débat après la projection Diapason est partenaire de la projection du film Disco Afrika qui sera projeté le Vendredi 26 septembre 2025 à 20h30 | Saint-Ouen l’Aumône (95), au cinéma Utopia Stella. La projection du film sera suivi d’un débat modéré par l’équipe de Diapason. Venez poser vos questions ! #Diapason_Think_Tank #Madagascar

Décryptage de la stratégie indienne

Date : 19/09/25 Miroir du potentiel malgache Introduction – Quand les trajectoires se croisent, les blessures s’ouvrent… ou se guérissent Alors que l’Afrique redéfinit ses leviers de puissance, une question centrale s’impose : que faire de sa diaspora ? Dans l’imaginaire collectif malgache, comme dans d’autres pays du Sud, la diaspora reste souvent perçue comme une fuite, une perte, une nostalgie. Elle évoque aussi un mélange de sentiments ambivalents entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés : admiration et rancœur, espoir et méfiance, inspiration et soupçon de trahison. Derrière les sourires de retrouvailles se cachent parfois des non-dits : l’envie face à celui qui a « réussi », la jalousie de celui resté « coincé », le complexe de supériorité involontaire du retour d’expatrié, le sentiment d’infériorité intériorisé du local. La distance géographique devient une distance émotionnelle et culturelle : langage différent, références décalées, perception biaisée des réalités. Dans ce climat, les tentatives de transfert d’idées, de solutions ou de modèles échouent souvent. Le retour de l’enfant du pays est parfois perçu comme une intrusion : « Il vient nous donner des leçons… », « Il a fui, il n’a pas souffert ici… », « Ce qu’il propose ne marchera pas ici… ». D’un côté, le fantasme du copier-coller de solutions vues ailleurs. De l’autre, le repli frileux de ceux qui refusent d’ouvrir la porte au changement, même s’il vient de l’intérieur. Et pourtant. Ailleurs, comme en Inde, la question de la diaspora a été abordée autrement. Là-bas, les élites formées sont parties, mais pas pour fuir. Elles ont été placées, stratégiquement, dans les interstices de l’économie mondiale, pour peser, pour construire, pour revenir autrement. Ce texte propose d’analyser la genèse, les mécanismes et les résultats de cette politique indienne venant de l’Inde et non des Indiens vivants à Madagascar, appelé communément « Karana », pour en tirer des leçons concrètes et structurantes pour Madagascar. Car penser l’avenir d’un pays insulaire ne peut se faire sans intégrer ses forces disséminées. Mais cette intégration ne se décrète pas. Elle se prépare, se structure, se cultive, des deux côtés du rivage. La stratégie indienne : construire une diaspora pour peser, pas pour survivre Contexte post-indépendance : diversité, déficit technique, besoin de modernisation Lorsque l’Inde accède à l’indépendance en 1947, elle n’est pas une nation unifiée au sens politique moderne du terme. Elle est plutôt un assemblage de diversités historiques, culturelles et religieuses, maintenues ensemble par les structures coloniales britanniques, elles-mêmes conçues pour diviser, administrer et exploiter. L’Inde compte alors des centaines de langues et de dialectes, dont une trentaine majeure, réparties sur un territoire vaste et profondément inégal. Le pays est composé de plus de 500 États princiers et provinces intégrées, redessinés brutalement dans les premières années suivant l’indépendance. À cela s’ajoutent des fractures religieuses (hindous, musulmans, sikhs, chrétiens, jaïns, bouddhistes), des identités ethniques fortes, et une hiérarchie sociale structurée autour des castes, profondément ancrée dans l’ordre social. La partition avec le Pakistan, sur fond de tensions religieuses, vient aggraver la fragilité institutionnelle. Des millions de déplacés, des milliers de morts, et une rupture géopolitique majeure marquent cette période fondatrice. Le pays hérite d’une administration coloniale rigide, centralisée, construite pour servir les intérêts britanniques, sans tenir compte des besoins endogènes de la société indienne. L’appareil d’État est plus tourné vers le contrôle que vers le développement. La corruption, héritage indirect de la structure coloniale des privilèges, des passe-droits et du clientélisme administratif, devient rapidement un frein à l’efficacité de la jeune république. L’Inde n’a pas éradiqué la corruption, mais elle l’a affrontée à bras-le-corps, en combinant réformes légales, institutions spécialisées, mobilisation citoyenne et transition numérique. Parmi les instruments majeurs : Prevention of Corruption Act (1988) : cadre légal durci en 2018, avec sanctions renforcées et confiscation des biens mal acquis. Right to Information Act (2005) : outil décisif pour les journalistes et ONG, instaurant un droit citoyen d’accès aux documents publics. Lokpal and Lokayuktas Act (2013) : autorités indépendantes pouvant enquêter sur les plus hauts responsables, suite à de fortes mobilisations sociales. Société civile vigilante : presse libre, campagnes de dénonciation, manifestations (Anna Hazare, 2011) ont accéléré les réformes. Digitalisation des processus publics : e-procurement, traçabilité des dépenses, limitation des contacts directs entre citoyens et administration. Ces réformes n’ont pas suffi à tout transformer, mais elles ont permis d’outiller la population, de créer une culture de redevabilité et de poser les fondements d’un État plus transparent. La leçon indienne n’est pas celle de la perfection, mais celle de la volonté, de l’infrastructure juridique, et de l’endurance. L’éducation, loin d’être unifiée ou accessible, reste cloisonnée entre systèmes privés d’élite et écoles publiques délaissées. Il n’existe pas de curriculum national standardisé, ce qui renforce les inégalités territoriales et sociales. Chaque région, chaque caste, chaque communauté développe son propre rapport à la scolarisation et à la réussite. Face à cette complexité, les dirigeants post-indépendance, à commencer par Jawaharlal Nehru, comprennent que la survie de l’Inde passe par un pari sur le long terme : « Former une élite compétente, capable d’unifier par le savoir ce que l’histoire a fracturé par la domination » La création d’un État développeur repose donc sur trois piliers : Planification économique (Plans quinquennaux), Développement technologique, Et investissement dans le capital humain, notamment par la création d’instituts de haut niveau (IIT, IIM), non comme privilège, mais comme outil de reconstruction nationale. Dans ce contexte de pluralité, de centralisation fragile, de cicatrices coloniales et de sociétés en tension, l’Inde n’a pas cherché à gommer ses différences, elle a cherché à s’en servir comme matière première pour structurer une modernité propre. Naissance d’élites « exportables » : les IIT et IIM Dès les années 1950, sous le gouvernement de Jawaharlal Nehru, l’Inde crée les premiers Indian Institutes of Technology (IIT), puis les Indian Institutes of Management (IIM). Ces écoles d’élite ont un double objectif : Former des ingénieurs et technocrates capables de porter le développement intérieur, Et devenir des vitrines techniques et diplomatiques du pays à l’étranger. Ce n’est pas une fuite des cerveaux, c’est une stratégie d’exportation planifiée de la compétence. Légalisation

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Radioscopie d’un pays fragmenté : entre élites et peuple

Date : 12/09/25 Introduction Madagascar a célébré en 2025 ses 65 années d’indépendance. Pourtant, au-delà des commémorations officielles, une question obsède : que signifie réellement ce mot dans la vie quotidienne des Malgaches ? Les symboles sont bien présents – un drapeau, un hymne, un siège à l’ONU – mais l’indépendance reste largement théorique. L’économie, l’éducation, la langue du pouvoir et les trajectoires présidentielles révèlent une souveraineté limitée, une illusion plus qu’une conquête. Cette radioscopie propose une lecture anthropologique et critique des réalités malgaches, en se concentrant sur cinq dimensions : la nationalité et le parcours des présidents, le contrôle étranger des secteurs clés, la formation des élites administratives, le rôle du français comme langue dominante dans les hautes fonctions, et enfin la division du pays en ethnies. Ces cinq angles révèlent une architecture de fragmentation où l’élite francophone reste connectée à Paris et aux multinationales, tandis que la majorité vit en marge de l’État et de ses codes. Nationalité et trajectoires des présidents malgaches La trajectoire des présidents de Madagascar incarne à elle seule les ambiguïtés de la souveraineté. Le cas le plus emblématique est celui du Président Andry Rajoelina, naturalisé français en 2014 avec sa famille alors qu’il résidait dans l’Hexagone après la crise de 2009. Sa naturalisation française procède d’un décret publié au Journal officiel en novembre 2014 (décret du 19/11/2014, JO du 21/11/2014). Ce point n’est pas une “confirmation” par le Conseil d’État : juridiquement, la naturalisation est un acte réglementaire du gouvernement, susceptible de recours devant le juge administratif mais non “validé” par lui par défaut. Lors de la présidentielle 2023, les recours de l’opposition n’ont pas porté sur la simple “double nationalité”, mais sur la perte alléguée de la nationalité malgache au titre de l’article 42 du Code de la nationalité (« Perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère »). La Haute Cour constitutionnelle (HCC) a, à différentes étapes, validé la liste des candidats et rejeté l’exception de nationalité dans ses décisions de proclamation. En clair : la contestation a bien visé la perte de nationalité, pas seulement la binationalité. Cette situation reste inédite dans la période post-indépendance : non pas parce que des présidents n’auraient jamais été “français” (avant 1960, la nationalité française coloniale s’appliquait aux élites nées sous domination française, comme Tsiranana ou Ratsiraka, qui l’ont perdue en 1960), mais parce qu’un chef d’État post-1960 a volontairement acquis la nationalité de l’ancienne puissance coloniale et a ensuite exercé la magistrature suprême. Cela pose une question symbolique autant que juridique : à qui se rattache l’allégeance ultime, et que dit ce fait du rapport réel au principe de souveraineté ? En miroir, les trajectoires de Philibert Tsiranana (études à Montpellier, réseaux de l’Union française), Albert Zafy (médecine en France), ou Marc Ravalomanana (dont l’ascension industrielle est liée avant tout à des partenaires nordiques/allemands, en particulier Tetra Pak – Suède, avec des stages en Suède et Danemark) illustrent la profondeur des liens académiques, économiques et culturels avec l’extérieur. Le problème n’est pas l’ouverture ; il est l’asymétrie et la dépendance qu’elle entretient. Ces trajectoires montrent que le pouvoir malgache reste profondément connecté à la France, que ce soit par des filiations symboliques, des réseaux académiques ou des intérêts économiques. La conséquence est claire : la souveraineté politique demeure fragile, prisonnière de liens structurels hérités de l’histoire coloniale. Les secteurs clés sont contrôlés par des entreprises étrangères La dépendance se lit surtout dans la sphère économique. Tous les secteurs stratégiques sont dominés par des multinationales. Énergie. L’entreprise publique JIRAMA dépend structurellement de producteurs privés (IPP) et d’importations d’hydrocarbures. Sur le thermique, Jovena (groupe AXIAN) est adjudicataire fréquent des marchés de gasoil/fioul destinés aux centrales ; TotalEnergies, Vivo, Galana soumissionnent et remportent aussi des lots selon les années. Côté nouveaux projets, la filière hydroélectrique (ex. Volobe) agrège des capitaux et expertises étrangers. Le résultat est une vulnérabilité prix-volume qui se répercute sur les tarifs et sur la continuité de service. (Diapason, Comprendre la situation énergétique de Madagascar[1], 2025). Mines : Ambatovy, plus grand investissement étranger (8 milliards USD), est détenu par Sherritt (Canada), Sumitomo (Japon) et Korea Resources (Corée du Sud). QMM – Rio Tinto exploite l’ilménite à Fort-Dauphin, avec seulement 20 % de participation de l’État (Friends of the Earth, 2022). Base Toliara (Australie) reste suspendu après contestations sociales, tandis que le graphite attire des compagnies chinoises (Tirupati). Télécommunications : Orange (France) et Airtel (Inde) codominent avec AXIAN Telecom, qui a rebrandé Telma en “Yas” en 2024. AXIAN est un groupe basé à Madagascar, piloté par Hassanein Hiridjee (Malgache d’origine, nationalité française). Les infrastructures critiques (fibre, backbone, data centers) se jouent dans des montages capitalistiques régionaux et internationaux. Banques : BNI Madagascar est contrôlée par AXIAN (via IOFHL) avec un partenaire mauricien (IBL), BFV-SG – reprise par la Banque Populaire, en 2024 – était une filiale de la Société Générale, BOA dépend de BMCE (Maroc). (Banque centrale de Madagascar, Rapport 2023). Agro-industrie : la filière vanille est dominée par Symrise (Allemagne), Firmenich (Suisse) et McCormick (USA). Le clou de girofle et les huiles essentielles sont captés par des traders indiens et chinois. (Diapason, Cartographie économique des communautés[2], 2025). Résultat : les richesses créées sur la Grande Île profitent surtout aux actionnaires étrangers. L’État détient rarement plus de 20 % des parts, et les conventions minières ou fiscales réduisent les retombées budgétaires. Comme le souligne L’iceberg inversé[3] (Diapason, 2025), Madagascar est riche mais les Malgaches vivent pauvres, car la rente nationale s’évapore vers l’extérieur. Formation des hauts fonctionnaires en France L’un des piliers de la dépendance est intellectuel. Après 1960, Madagascar a conservé l’architecture éducative héritée de la France. Les hauts fonctionnaires ont continué à être formés à l’ENA, à Sciences Po, à l’ENS ou dans les facultés françaises de droit, d’économie et de médecine. Cette reproduction a façonné une élite “francisée” qui pense et agit selon les codes français (Roubaud & Razafindrakoto, IRD, 2018). En 2022, plus de 3 500 étudiants malgaches étaient inscrits dans des établissements français (Campus France,

Radioscopie d’un pays fragmenté : entre élites et peuple (Version longue)

Version longue. Madagascar fête son indépendance depuis 65 ans, mais à y regarder de plus près, cette souveraineté ressemble souvent à une vitrine. Derrière le drapeau, l’hymne et le siège aux Nations Unies, les mécanismes hérités de la colonisation continuent de structurer la vie politique, l’économie, l’éducation et même le langage du pouvoir. Ce document propose une radioscopie du fonctionnement du pays, loin des mythes officiels. Les faits présentés sont tirés du quotidien des Malgaches, de leur rapport aux institutions et des dépendances visibles ou invisibles qui encadrent leurs vies. Car pour savoir où l’on va, encore faut-il savoir d’où l’on vient. Or, l’histoire de Madagascar est celle d’une indépendance inachevée, où les élites se forment encore en France, où les secteurs stratégiques sont dominés par des multinationales étrangères, et où la langue du droit n’est pas celle de la majorité. Comprendre le contexte et l’origine des maux, c’est la seule voie pour envisager des solutions. C’est cette lecture sans détour que cet article propose : mettre à nu l’architecture de dépendance qui façonne la trajectoire de la Grande Île, et ouvrir la réflexion sur ce qu’il reste à construire pour transformer l’indépendance en réalité vécue. Nationalité et trajectoires des présidents malgaches Andry Rajoelina (président actuel, élu en 2018 puis réélu en 2023) : Il a obtenu la nationalité française en 2014 avec sa famille, alors qu’il résidait en France après la crise de 2009. Sa naturalisation française procède d’un décret publié au Journal officiel en novembre 2014 (décret du 19/11/2014, JO du 21/11/2014). Ce point n’est pas une “confirmation” par le Conseil d’État : juridiquement, la naturalisation est un acte réglementaire du gouvernement, susceptible de recours devant le juge administratif mais non “validé” par lui par défaut. Lors de la présidentielle 2023, les recours de l’opposition n’ont pas porté sur la simple “double nationalité”, mais sur la perte alléguée de la nationalité malgache au titre de l’article 42 du Code de la nationalité (« Perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère »). La Haute Cour constitutionnelle (HCC) a, à différentes étapes, validé la liste des candidats et rejeté l’exception de nationalité dans ses décisions de proclamation. En clair : la contestation a bien visé la perte de nationalité, pas seulement la binationalité. Cette situation reste inédite dans la période post-indépendance : non pas parce que des présidents n’auraient jamais été “français” (avant 1960, la nationalité française coloniale s’appliquait aux élites nées sous domination française, comme Tsiranana ou Ratsiraka, qui l’ont perdue en 1960), mais parce qu’un chef d’État post-1960 a volontairement acquis la nationalité de l’ancienne puissance coloniale et a ensuite exercé la magistrature suprême. Cela pose une question symbolique autant que juridique : à qui se rattache l’allégeance ultime, et que dit ce fait du rapport réel au principe de souveraineté ? Philippe Tsiranana (1960-1972), premier président : Études en France (École normale de Montpellier). Très lié aux réseaux politiques français (notamment à l’Union française). Son entourage politique et ses accords économiques étaient largement arrimés à Paris (cf. Accords de coopération franco-malgaches de 1960). Source : “Madagascar et la France : un pacte colonial ?”, Revue Politique Africaine, 1986. Albert Zafy (1993-1996) : Non français, mais formé à Montpellier (médecine). Exemple typique d’élites malgaches formées en France et imprégnées de références françaises dans leur gouvernance. Signification symbolique La double nationalité du président actuel est une première historique en Afrique : un chef d’État en exercice ayant aussi la nationalité de l’ancienne puissance coloniale. Cela alimente le discours d’“indépendance fictive” : le représentant suprême de l’État malgache est également citoyen d’un autre pays, et pas n’importe lequel. Dans la perception populaire, cela se traduit par une méfiance : “peut-on être président malgache et français en même temps sans conflit d’intérêts ?” Impact politique et diplomatique Sur le plan régional, lors de la présidence tournante de la SADC en 2025, cette situation a été relevée par plusieurs observateurs : un président français à la tête d’une organisation censée défendre les intérêts africains (cf. article “Madagascar et la présidence de la SADC – Prestige contre pauvreté[1]”, KB Diapason, sept. 2025). Sur le plan diplomatique, Paris bénéficie d’un accès privilégié au pouvoir, ce qui renforce l’idée d’une dépendance politique. En clair Le cas d’Andry Rajoelina, président malgache mais aussi citoyen français, incarne l’ambiguïté de l’indépendance. Plus qu’une anecdote, il révèle une architecture de dépendance où les élites politiques peuvent appartenir juridiquement, culturellement et symboliquement à deux espaces à la fois – Madagascar et la France – mais dans un rapport profondément inégalitaire. Constat : Plusieurs présidents malgaches sont nés en France ou ont la double nationalité (ex. le président actuel). Cela crée une ambiguïté symbolique : à la tête de l’État, on retrouve un dirigeant lié par le droit et la culture à l’ancienne puissance coloniale. Effet : Cela alimente l’idée que le pouvoir est arrimé à Paris, et que la souveraineté politique reste fragile. Les secteurs clés sont contrôlés par des entreprises étrangères Énergie Énergie. L’entreprise publique JIRAMA dépend structurellement de producteurs privés (IPP) et d’importations d’hydrocarbures. Sur le thermique, Jovena (groupe AXIAN) est adjudicataire fréquent des marchés de gasoil/fioul destinés aux centrales ; TotalEnergies, Vivo, Galana soumissionnent et remportent aussi des lots selon les années. Côté nouveaux projets, la filière hydroélectrique (ex. Volobe) agrège des capitaux et expertises étrangers. Le résultat est une vulnérabilité prix-volume qui se répercute sur les tarifs et sur la continuité de service. (Diapason, Comprendre la situation énergétique de Madagascar[2], 2025). Mines et ressources naturelles Ambatovy (nickel et cobalt) : Projet de 8 milliards USD, le plus grand investissement étranger jamais réalisé à Madagascar. Propriétaires : Sherritt International (Canada), Sumitomo (Japon), Korea Resources Corp (Corée du Sud). Exportations : quasi-totalité destinée au marché international. Retombées fiscales : très faibles (régime d’exonérations, conventions minières). Source : Banque mondiale, Madagascar Economic Update 2023. QMM – Rio Tinto (ilmenite à Fort-Dauphin) : Multinationale anglo-australienne, avec participation minoritaire de l’État malgache (20 %). Critiques : pollutions, faibles redevances. Source : Friends of the Earth, Rapport

La présidence de la SADC : Prestige contre pauvreté

Date : 05/09/25 Héritage des blocs africains Depuis les années 1970, les États africains ont cherché des réponses régionales à des défis d’échelle nationale : sécurité, commerce, infrastructures, migrations. La logique est connue : isolés, les pays pèsent peu ; regroupés, ils peuvent négocier, investir et stabiliser. À l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est illustrée par sa capacité d’intervention (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group, ECOMOG) et de sanctions lors de coups de force récents. En Afrique centrale, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ont davantage consolidé une stabilité monétaire ou une coordination sécuritaire qu’elles n’ont produit une intégration économique effective. À l’Est, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a avancé vers une union douanière et un marché commun, avec une ambition fédérale freinée par des tensions géopolitiques. Toutes ces dynamiques sont bien connues des praticiens africains de l’intégration régionale – ambition réelle, moyens limités.   Organisme Zone géographique Objectif central Pouvoir coercitif ? Impact réel (note /10) SADC Afrique australe Intégration & sécurité Moyen (force dispo) 6/10 CEDEAO Afrique de l’Ouest Intégration & démocratie Oui (fort) 7/10 CEMAC Afrique centrale Union monétaire Faible 4/10 UEMOA Ouest francophone Harmonisation économique Moyen 5/10 COMESA Est & sud-est Libre-échange Faible 5/10 EAC Afrique de l’Est Fédéralisme économique Moyen 7/10 IGAD Corne de l’Afrique Développement & paix Faible 5/10 ECCAS Afrique centrale élargie Paix & intégration Faible 3/10 Effets positifs : mise en réseau régionale, quelques avancées en matière de commerce, stabilité, infrastructures. Limites structurelles : Faibles moyens financiers Chevauchements et duplications Dépendance aux États dominants Absence de mécanismes contraignants Dissonance entre textes fondateurs et pratiques réelles SADC : promesses et limites Créée en 1992 en remplacement de la Conférence de développement d’Afrique australe (SADCC,1980), la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) réunit aujourd’hui 16 pays d’Afrique australe. Elle s’est dotée d’une force en attente, de mécanismes de médiation (République Démocratique du Congo (RDC), Lesotho, Mozambique) et de protocoles sectoriels (commerce, énergie, santé, genre). L’ambition est claire : construire par étapes un marché intégré et une architecture de paix ; la fragilité est connue : faible pouvoir contraignant et prépondérance sud-africaine dans les arbitrages. Autrement dit, un cadre utile, mais qui reste d’abord intergouvernemental – la volonté des États prime sur les normes. Madagascar dans le cercle Madagascar a connu la suspension, en 2009, à la suite du renversement de l’ordre constitutionnel, avant une réintégration consécutive aux élections de 2013. La SADC reste depuis un espace de normalisation diplomatique et un vecteur de préférences commerciales et de projets régionaux (énergie, corridors logistiques). Les bénéfices potentiels existent, mais demeurent sous‑exploités faute de compétitivité logistique, de profondeur industrielle et de continuité des politiques publiques. Organisme Madagascar membre ? Impact politique Impact économique Note globale SADC Oui Élevé Moyen+ ⭐⭐⭐⭐ COMESA Oui Faible Moyen ⭐⭐⭐ COMESA-EACSADC TFTA Oui Faible En cours ⭐⭐ Union africaine (UA) Oui Symbolique Faible ⭐⭐ La SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) a un impact politico-économique important à Madagascar pour trois grandes raisons, à la fois structurelles, géopolitiques et historiques : Impact politique : rôle de gardien régional de la stabilité a) Madagascar est un membre officiel de la SADC depuis 2004 Elle y participe pleinement aux sommets, aux décisions régionales et aux processus d’intégration politique. b) La SADC a joué un rôle déterminant en 2009 Suite au coup d’État contre le président Marc Ravalomanana, Madagascar a été suspendue. La SADC a mené des médiations politiques (Processus de Maputo, Addis-Abeba) pour forcer un retour à l’ordre constitutionnel. Ce processus a conduit aux élections de 2013, avec la validation régionale. c) Légitimité régionale des régimes La reconnaissance ou non d’un gouvernement par la SADC a un poids symbolique et diplomatique majeur (appui ou isolement). La présidence tournante de Madagascar en 2021 a été utilisée comme outil de normalisation politique pour asseoir la légitimité du régime Rajoelina. Impact économique : accès, normes et dépendances régionales a) Zone de libre-échange Madagascar bénéficie d’un accès préférentiel au marché des pays de la SADC, facilitant les exportations (ex. textile, produits agricoles). Cela permet aussi l’importation de biens à tarifs réduits, selon les protocoles. b) Projets régionaux stratégiques Infrastructures interconnectées (routes, énergie, télécoms) Projets transfrontaliers (ex. corridors économiques, coopération portuaire) c) Normes techniques et réglementaires La SADC impose des standards communs sur certains produits, douanes, normes sanitaires → oblige Madagascar à s’aligner, ce qui structure son économie. d) Aide au développement & financements La SADC est souvent canal de coordination pour les bailleurs régionaux (Banque de développement de l’Afrique australe, AfDB, etc.) Elle structure l’accès à certains fonds multilatéraux, surtout pour les projets intégrés (ex. énergies renouvelables) Position géostratégique de Madagascar dans la SADC Île stratégique dans le canal du Mozambique : importance maritime, énergétique, militaire. La SADC ne peut ignorer Madagascar sans se priver d’une position d’influence dans l’océan Indien. Cela donne à Madagascar une marge diplomatique, même si elle est peu exploitée. En résumé Dimension Mécanismes d’impact de la SADC sur Madagascar Effets concrets Politique Médiation, suspension, normalisation diplomatique Crise 2009, retour au dialogue en 2013 Économique Zone de libre-échange, harmonisation des normes, projets régionaux Facilitation du commerce, accès aux marchés Institutionnel Pressions implicites sur les pratiques électorales et la gouvernance Légitimation ou isolement Historique de l’acceptation de la présidence de Rajoelina par la SADC Analyse critique sur les limites de cet impact (manque de fermeté, dépendance vis-à-vis de l’Afrique du Sud, etc.). En 2009, la SADC avait fermement condamné l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina, la qualifiant de putsch anticonstitutionnel. Madagascar fut suspendue de la SADC et l’organisation exigea un retour à l’ordre constitutionnel avec des élections rapides[1]. Quinze années plus tard, en juillet 2025, plusieurs chefs d’État membres ont accepté d’assister au 45ᵉ sommet de la SADC, organisé à Antananarivo. À l’issue de ce sommet prévu le 17 août 2025, Andry Rajoelina prend officiellement la présidence tournante de la SADC, succédant au président zimbabwéen Mnangagwa. Raisons et moyens de pression du gouvernement

Et maintenant, que fait-on de l’(In)dépendance ?

Date : 25/07/25 Lire l’histoire récente autrement, pour refonder l’avenir malgache Introduction Il est temps de faire une pause (estivale). Non pour se lamenter. Ni pour célébrer par habitude. Mais pour penser, de manière lucide et constructive, ce que nous voulons faire de notre Grande Île. Depuis des mois, les analyses publiées par Diapason, les réflexions collectives et les récits croisés ne cessent de tirer le même fil : Madagascar n’est pas condamnée. Elle est simplement mal organisée, mal gouvernée, mal racontée et cela, depuis des décennies. Pendant ce temps, ailleurs, des virages décisifs ont été pris. À la fin des années 1980, Shenzhen, en Chine, était un village de 30 000 pêcheurs. Aujourd’hui ? Une mégalopole de 14 millions d’habitants, fleuron technologique mondial. Ce n’est pas un miracle, mais le fruit d’une stratégie de mise en réseau des compétences locales, de création de zones franches dynamiques et de soutien à l’investissement productif. (World Bank, 2019, McKinsey, 2020) À Madagascar aussi, il est temps de rassembler. Non autour de slogans, de ce qui nous divise mais autour de ce qui nous unit : les faits vérifiables, les ressources disponibles, le potentiel humain concret, les liens objectifs avec l’économie mondiale. Ce texte est une synthèse engagée. Un appel à bâtir sur nos vérités présentes, pour projeter l’après-26 juin 2025 comme un point de départ, non une simple commémoration. Les lecteurs assidus de Diapason ont maintenant compris la partie visible (symptômes) et la partie invisible (les causes profondes) du système de fonctionnement de la société malgache. Un pays riche : les faits, pas les fantasmes Il faut rompre avec la rhétorique du manque. Madagascar est objectivement un pays riche en ressources naturelles, humaines, industrielles, agricoles et stratégiques. Ce que révèlent les faits est sans ambiguïté. Ressources stratégiques[1] Ilménite : exploitée par QMM/Rio Tinto à Fort-Dauphin depuis 2009. En 2022, 750 000 tonnes exportées, principalement vers la Chine, pour la fabrication de pigments industriels. Or : selon l’OCDE (2022), jusqu’à 95 % de l’or malgache quitte illégalement le pays sans déclaration douanière. Les pertes fiscales se chiffrent à plusieurs centaines de millions de dollars par an. Graphite, cobalt, nickel, saphirs : Madagascar est dans le top 5 mondial pour les gisements de saphirs (source : Gemfields 2021). Des projets de graphite à Ampanihy visent les batteries lithium-ion. Pêche : selon Greenpeace (2023), les eaux malgaches figurent parmi les plus poissonneuses de l’océan Indien, mais les contrats de pêche avec des flottes industrielles étrangères sont opaques. Madagascar contribue donc pleinement au bon fonctionnement technologique, industriel et agro-alimentaire du monde occidental et oriental. Zones franches et exportations industrielles Textile : Plus de 100 000 emplois directs selon l’International Trade Centre (ITC, 2023). Madagascar exporte vers l’Europe et les États-Unis via l’AGOA. Marques présentes : Puma, Levi’s, Zara, H&M, Lacoste, Décathlon… BPO / services externalisés : Canal+, Orange, Webhelp, Air France, Doctolib. Près de 25 000 emplois directs, en croissance rapide (source : UNCTAD, 2023). En 2025, la majorité des malgaches pensent encore que les compétences du pays ne dépassent pas le bricolage local appelé « Vita Gasy » autant dans le domaine du textile que dans l’expertise technique. Agriculture et biodiversité Madagascar produit 80 % de la vanille mondiale. En 2023, les exportations ont dépassé 700 millions USD, mais 60 % des terres cultivables restent inexploitées (source : FAO). Artemisia, ravintsara, centella asiatica : des plantes médicinales locales à potentiel pharmaceutique mondial. La demande mondiale de la vanille explose et Madagascar continue de s’étouffer dans sa volonté d’enrichir une dizaine de personnes. Le monde attend… Position géostratégique Carrefour de l’océan Indien, à proximité des routes maritimes principales entre Asie, Afrique et Moyen-Orient. Atout stratégique dans les logiques indopacifiques (source : Chatham House, 2022). Shenzhen ou l’exemple du possible L’histoire de Shenzhen[2] est aujourd’hui bien connue. En moins de 30 ans, cette ancienne bourgade côtière chinoise a été transformée en un pôle économique mondial, abritant les sièges de Huawei, DJI ou Tencent. Ce tournant n’est pas né d’un miracle, mais d’un choix stratégique clair : miser sur les zones franches industrielles, attirer des investissements à long terme, former massivement une main-d’œuvre jeune, structurer l’économie autour de la production exportatrice à valeur ajoutée. Le parallèle est éclairant. Madagascar dispose déjà d’une main-d’œuvre qualifiée, d’un tissu de sous-traitance opérationnel, d’un réseau diasporique actif, et d’une position géographique idéale. Le potentiel est comparable. Ce qui manque, c’est la stratégie d’activation. L’indépendance proclamée… mais jamais réalisée Chaque 26 juin, on célèbre une indépendance acquise en 1960. Pourtant, la souveraineté politique n’a pas été suivie de souveraineté économique ou institutionnelle. L’héritage administratif de la colonisation n’a pas été déconstruit, les structures de dépendance ont été perpétuées, souvent aggravées par des élites locales cooptées. Un rapport de l’Afrobaromètre (2022) montrait que plus de 75 % des citoyens estiment que les décisions importantes du pays sont influencées par des acteurs extérieurs (bailleurs, entreprises étrangères), et que l’État semble incapable de garantir la justice ou l’équité économique. En réalité, Madagascar vit dans une indépendance nominale, mais une dépendance structurelle : alimentaire (plus de 60 % des produits de base importés), énergétique (70 % d’énergie importée selon IEA, 2022), fiscale (budget dépendant à plus de 40 % de l’aide extérieure). L’État-spectacle contre l’État-stratège Un État souverain définit une vision, la planifie, et l’incarne dans les institutions. Le nôtre, au contraire, s’est enlisé dans des promesses non tenues. Entre 2020 et 2023, plus de 40 projets dits « présidentiels » ont été lancés (téléphérique, bus intelligents, usine d’éthanol, Ambatondrazaka comme Paris, Diego comme l’Europe, etc.). Très peu ont été réalisés. Ces annonces sont souvent conçues comme des instruments de communication politique, non comme des engagements budgétaires ou des politiques publiques cohérentes. L’État malgache reste fortement centralisé, mais sans capacité d’action à l’échelle territoriale. La RN13, censée être réhabilitée depuis plus de 10 ans, reste un axe abandonné, symbole d’un pouvoir qui a toutes les difficultés à réaliser les promesses qu’il a faites. Selon le rapport de la Banque mondiale (2023), les dépenses d’investissement effectives (hors financement extérieur) sont tombées sous les

Madagascar, la France, l’Afrique : Mémoire coloniale, restitutions, îles Éparses, diplomatie… (Postprod)

Objectif du webinaire Madagascar, la France, l’Afrique : Mémoire coloniale, restitutions, îles Éparses, diplomatie… Quels héritages coloniaux influencent encore nos politiques ? Pourquoi certaines mémoires restent-elles invisibilisées ? Quelle diplomatie face aux non-dits historiques ?  Un échange exceptionnel pour nourrir le débat citoyen.  Avec : Pascal Blanchard – Historien, documentariste, essayiste Cofondateur du Groupe Achac, chercheur au CRHIM à Lausanne, auteur de François Mitterrand, le dernier empereur (2025) et du documentaire Décolonisations, du sang et des larmes (France 2). Harilala Ranjatohery – Historien, académicien Spécialiste de l’histoire politique et culturelle malgache, membre de l’Académie malgache, engagé dans la restitution de la mémoire nationale et des résistances. #Diapason_Think_Tank #Madagascar

Énergie à Madagascar : le mirage du redressement et la mécanique de la dépendance

Date : 18/07/25 La trajectoire énergétique de Madagascar se lit comme une parabole du XXIe siècle africain : un pays riche de soleil, d’eau et de vent mais dont la majorité de la population vit toujours dans l’obscurité. À peine 6 % des ménages ruraux disposent d’un accès à l’électricité. Dans les villes, les coupures sont devenues la norme. Et au centre de cette dissonance se trouve une entreprise nationale, la JIRAMA, à la fois pilier historique et symbole de la faillite d’un modèle. En 2025, un plan de redressement[1] est proposé. Il est structuré, chiffré, prudent. Il ambitionne de ramener le déficit opérationnel de la JIRAMA de -1 070 milliards MGA à un équilibre en 2028. Il mise sur les énergies renouvelables, l’optimisation des pertes, la restructuration de la dette et la contribution du secteur privé. Mais derrière les colonnes Excel se dessine une autre réalité. Celle d’un pays qui ne maîtrise plus son secteur énergétique, et qui court le risque de céder un peu plus de sa souveraineté à chaque kilowatt-heure injecté. Méthode ICECAP Partie visible : déficits, coupures, précarité énergétique L’analyse croisée des documents « Comprendre la situation énergétique de Madagascar[2] », « L’architecture de la dépendance[3] » et « Cartographie économique des communautés[4] » met, en effet, en lumière un paysage énergétique affaibli sur toute la ligne. En 2023, seulement 33 % des Malgaches ont accès à l’électricité, avec une couverture rurale inférieure à 6 % (Dossier Énergie, Diapason[5]). Le réseau national présente plus de 30 % de pertes techniques et commerciales, tandis que la production publique (par la JIRAMA elle-même) ne représente plus que 28 % du total injecté. Le reste provient d’acteurs privés (IPP[6]), qui imposent leurs conditions. Données clés (extraits des 3 dossiers) Indicateur Valeur Source Taux d’accès à l’électricité (2023) 33 % national – 6 % en zone rurale Dossier Énergie Part du fioul lourd et diesel dans le mix +70 % Dossier Énergie Subventions à la JIRAMA (2024) +1000 Mds MGA (~200 M$) Dossier Énergie Dette cumulée de la JIRAMA >2700 Mds MGA Plan JIRAMA Production publique (JIRAMA) <30 % Dossier Énergie Part du privé (IPP) dans la production >60 %, en croissance Dossier Énergie Fournisseurs de carburant Jovena, Galana, Total, Vivo Dossier Énergie, Cartographie Nombre de groupes électrogènes importés (2022–2024) >500 (estimation non officielle) Cartographie Contribution des IPP solaires (2024) <5 % du mix, mais en forte progression Dossier Énergie Les chiffres sont têtus, implacables. En 2024, l’État malgache a dû allouer plus de 1 000 milliards MGA en subventions à la JIRAMA (environ 200 millions USD). Et malgré cela, les délestages continuent, les groupes électrogènes pullulent, et les factures ne cessent d’augmenter. La dette cumulée de la JIRAMA dépasse 2 700 milliards MGA. L’État doit des centaines de milliards à ses fournisseurs de fioul. Mais le service ne s’améliore pas. Partie invisible : captation silencieuse, dépendance chronique Le plan de redressement JIRAMA présente un volet technique rassurant : passage au solaire, batteries, récupération des pertes. Mais il ignore les causes systémiques : contrats déséquilibrés, régulation absente, gouvernance opaque. L’énergie, dans un pays sans capital public suffisant, devient une rente. Une rente non pas captée par l’État, mais par une minorité d’acteurs économiques puissants, souvent transnationaux. Les producteurs privés vendent l’électricité à plus de 25 centimes d’euro le kWh à la JIRAMA, qui la revend à perte. Le modèle “take-or-pay[7]” oblige l’État à acheter même l’énergie non consommée. Cette logique n’est pas propre à Madagascar, mais elle y atteint un niveau critique, en l’absence de régulateur réellement indépendant. La dépendance ne s’arrête pas à la production. Les infrastructures logistiques, les stocks de carburant, les systèmes de maintenance sont eux aussi aux mains d’acteurs privés. Et ce sont ces mêmes groupes qui bénéficient des marchés de construction, des garanties de paiement, et d’un cadre fiscal peu contraignant. Source primaire : choix politiques sans rupture Le cœur du problème réside dans un choix de gouvernance. Celui de déléguer sans cadrer, de rechercher l’efficacité sans exiger de contrepartie stratégique. Les documents de Diapason parlent d’une “fusion des intérêts publics et privés” : lorsque l’État devient dépendant de ses créanciers énergétiques, il devient un simple facilitateur. Le système énergétique comme matrice de la dépendance Le Dossier “Architecture de la dépendance” montre que Madagascar est pris dans un cercle vicieux : Faible production publique → recours au privé → dette publique → perte d’autonomie → reconduction du système. Le système énergétique en est l’archétype : L’État achète de l’électricité à prix élevé (souvent >25 c€/kWh) à des producteurs privés (IPP). Il revend cette énergie en dessous du coût réel pour éviter des révoltes sociales → déficit structurel. La JIRAMA devient dépendante des fournisseurs de carburant (Jovena, Galana), eux-mêmes créanciers par ailleurs de l’État. Exemple concret : en 2023, la JIRAMA doit encore plusieurs centaines de milliards d’ariary à ses fournisseurs de fioul lourd. Cela donne à ces groupes une influence silencieuse, comparable à celle des banquiers du Moyen Âge sur les États endettés. Motivation : le contrôle par la rente Ce qui motive la consolidation d’un tel système n’est pas nécessairement la recherche du chaos, mais le contrôle par la rente. Le contrôle des flux financiers, logistiques et politiques devient plus puissant que le contrôle administratif. Celui qui vend du carburant à un État incapable de payer, qui construit ses centrales, qui impose ses clauses contractuelles, contrôle plus que l’exécutif lui-même. Ce pouvoir, parce qu’il ne passe pas par les urnes, est encore plus Dangereux. Sujet déclencheur : économie de rente énergétique L’énergie est ici plus qu’un bien stratégique. Elle est la condition de possibilité de toute activité économique. Elle transforme l’économie réelle, mais elle est elle-même transformée en économie de rente. À Madagascar, le fioul et l’électricité n’alimentent pas seulement les usines et les foyers, ils alimentent des structures de pouvoir. Et cette centralité énergétique est captée par des intérêts minoritaires, nationaux ou transnationaux, qui structurent la dépendance. Points COMMUNS Élément Plan JIRAMA (2025–2028) Dossier Énergie – Diapason Diagnostic Dépendance massive au thermique, pertes techniques, dettes colossales, mauvaise qualité

Comité de Rédaction